La Compagnie du Colimaçon revient sur scène avec « Château en Suède », une pièce écrite par Françoise SAGAN en 1960 et mise en scène par Emmanuel GAURY et Véronique VIEL au Théâtre de Poche Montparnasse. Avec son humour noir et son cynisme, cette pièce brosse un portrait acerbe d’une certaine bourgeoisie dans une satire hilarante et percutante, mêlant vaudeville moderne et rebondissements inattendus.
Un univers baroque et satirique dans un château isolé
« Château en Suède » se déroule dans les années 50, dans un château isolé par la neige quatre mois par an où vit la famille Falsen. Cette famille oisive, vêtue de costumes d’époque, passe son temps à lire, jouer à des jeux de société ou encore chasser, en attendant la visite de lointains cousins.
Parmi ceux-ci, on compte Frédéric (interprété par Gaspard CUILLÉ), qui découvre un univers étrange dominé par Hugo (joué par Emmanuel GAURY), un seigneur inquiétant.
Ophélie (Sana PUIS), l’ancienne épouse de Hugo, est retenue prisonnière, tandis que la femme actuelle de ce dernier, Eléonore, manipulatrice et désœuvrée (Odile BLANCHET), mène la danse.
Sous l’œil cynique de Sébastien, son frère incestueux (incarné par Benjamin ROMIEUX) et d’Agathe, sa belle-sœur obsédée par le protocole (interprétée par Bérénice BOCCARA), Frédéric devient l’otage d’un jeu cruel et excentrique, un cache-cache qui exacerbe les tensions. Saura-t-il échapper au sort tragique qui lui est réservé ?
« En une intéressante progression narrative, l’on découvre au fil du spectacle la limite et l’usure de ce jeu complexe de manipulations initié par ces hôtes à la fois nantis, grotesques, intelligents et pervers. » – BLOG DE PHACO
Une critique de la bourgeoisie et de ses jeux de pouvoir
Françoise SAGAN utilise « Château en Suède » pour critiquer une certaine bourgeoisie dégénérée, avec une plume acerbe et un humour noir. La pièce explore les thèmes de la désillusion, de l’oisiveté et des jeux de pouvoir au sein d’une famille déconnectée de la réalité.
Les relations incestueuses, les manipulations et les secrets ajoutent une dimension tragique et cynique à cette comédie de mœurs. L’isolement dû à la neige devient alors une métaphore de l’enfermement psychologique des personnages voués au désœuvrement et à la folie, pris au piège de leurs propres intrigues.
« Cette comédie de mœurs vaudevillesque aux allures de thriller, un rien burlesque, sautille à l’envi sur les caractéristiques reconnaissables et savoureuses de l’écriture de la célèbre romancière. » – SPECTATIF
Des interprétations charismatiques
La distribution de « Château en Suède » est remarquable. Gaspard CUILLÉ campe Frédéric avec maestria, retranscrivant avec justesse l’émerveillement et la curiosité de son personnage transi d’amour. Tandis qu’Emmanuel GAURY est impressionnant dans le rôle du sombre et autoritaire Hugo.
Sana PUIS, touchante et drôle, donne vie à l'éthérée Ophélie, tandis qu’Odile BLANCHET brille en tant que femme manipulatrice de Hugo.
Le fabuleux Benjamin ROMIEUX interprète un Sébastien espiègle et désenchanté. Bérénice BOCCARA prête ses traits à Agathe, la belle-sœur rigide, qui cultive les vestiges du passé prestigieux de la famille Falsen.
« Se faufilant parfaitement dans leurs rôles, les six comédiens nous suggèrent avec grand talent le désarroi psychologique et l'ambivalence des sentiments de leurs cocasses et savoureux personnages. » – BLOG DE PHACO
Une scénographie évocatrice et ingénieuse
La mise en scène d’Emmanuel GAURY et Véronique VIEL est à la fois élégante, ludique et étonnamment épurée, renforçant l’atmosphère étouffante de ce huis clos délétère.
La scénographie de Bastien FORESTIER à « double-fond » avec ce rideau de fond de scène métallique qui joue sur les effets de transparences, crée une ambiance glaçante, renforçant l’atmosphère mystérieuse et oppressante du château.
Ces éléments contrastent avec les costumes du XVIIIe siècle de Guenièvre LAFARGE, qui évoquent l’élégance et le raffinement.
Chaque élément scénique contribue à plonger le spectateur dans cet univers étrange et captivant.
« Château en Suède » est une œuvre de Françoise SAGAN qui, sous les apparences d’une comédie légère, propose une critique acerbe et cynique de la bourgeoisie.
La mise en scène d’Emmanuel GAURY et Véronique VIEL, soutenue par une distribution talentueuse et une scénographie soignée, rend hommage à l’écriture incisive de l’écrivaine.
Le résultat est un spectacle à la fois amusant et déroutant, une belle réussite qui offre une occasion unique de (re)découvrir une œuvre méconnue du répertoire de l’autrice de « Bonjour tristesse ». Une pièce féroce et pleine de surprises où l’humour et le suspense se mêlent habilement à découvrir au Théâtre de Poche Montparnasse.
