Révélée par le cinéma, la comédienne enchaîne les rôles avec une aisance de caméléon. Franche et directe, elle défend un éclectisme éclairé. En véritable électron libre, Sylvie Testud met un point d’honneur à surprendre son monde.
Vous connaissez le principe de nos entretiens: revenir le plus librement possible, en dehors de tout impératif de promotion, sur les grandes étapes de votre parcours…
Mon parcours?... C’est un bordel sans nom !
C’est comme ça que vous voyez les choses? Votre parcours a été à ce point chaotique ?
Pas vraiment chaotique non, parce que je n’ai pas connu beaucoup de difficultés, mais disons que je n’ai jamais rien échafaudé, je n’ai jamais élaboré la moindre stratégie. Initialement, le titre de mon dernier roman (Chevalier de l’ordre du mérite, paru en mars chez Fayard) devait être “La souillon”. On a fini par changer, mais je trouve que ça me correspond assez bien !
Je pense que je suis née sous une bonne étoile et que les choses se sont proposées à moi. Je ne dis pas que tout n’est qu’une histoire de chance: les chances qu’on m’a données, il a fallu les saisir ! Mais j’ai quand même eu énormément de coups de bol !
Je suis venue à Paris pour étudier l’Histoire, j’étais à la fac et j’avais des amis qui étaient au cours Florent. Au fond de moi, je devais certainement avoir l’espoir secret d’être comédienne, mais je n’avais jamais pensé faire ce métier. Dans ma famille, à Lyon, le théâtre était très loin de nos préoccupations. Personne n’avait approché cet univers ni de près ni de loin. Ça me semblait naturellement inaccessible…
Pourtant vous êtes devenue comédienne. Comment le miracle a-t-il eu lieu ?
En suivant mes potes qui venaient d’entrer au cours Florent. Un jour je les ai accompagnés, pour voir. Ça ne devait pas être une visite totalement innocente, je pense que ça me démangeait un peu. De toute façon, je n’avais pas assez de sous pour m’y inscrire donc je n’y pensais pas. Mais on m’a proposé de présenter la “classe libre” qui, elle, est gratuite.
Alors j’ai passé une audition, j’ai été prise et je me suis retrouvée au cours Florent dans les meilleures conditions possibles.
La suite a-t-elle été aussi fluide ?
Oui, les choses se sont toujours passées un peu comme ça. Un jour, un type m’a demandé de lui donner la réplique pour trouver un agent. Il se trouve que l’agent nous a engagés tous les deux. Et trois jours après, grâce à lui, on me proposait de faire un film en Allemagne. Voilà comment j’ai commencé à faire du cinéma. Ensuite, après quelques films en Allemagne, j’étais en train de m’acheter un appart à Berlin quand on m’a appelée pour un casting à Paris: c’était celui de Karnaval de Thomas Vincent, qui a eu un gros retentissement.
Même pour mes livres, ce sont les choses qui sont venues à moi. J’ai toujours écrit des petites conneries pour mes amis. Je prenais des notes, je m’amusais à décrire des situations, à les tourner en dérision. Je faisais ça surtout sur les tournages, pour tuer le temps. Sans aucune ambition littéraire. Mais une éditrice a lu ça par l’intermédiaire d’une amie et m’a proposé de me publier !
J’ai eu la chance que des gens m’ouvrent des perspectives. Mais ensuite, je me suis jetée sur les bonnes occasions.
Après la classe libre, vous êtes passée par le très prestigieux Conservatoire, pourtant, dans votre parcours tel que vous le décrivez, vous n’en parlez pas ?
Pour tout dire, je ne garde pas un souvenir mémorable du Conservatoire. J’ai beaucoup plus appris avec ma bande de potes du cours Florent ou sur mes premiers tournages. J’ai eu beaucoup de mal avec le côté très scolaire de l’institution. Au Conservatoire, on était une douzaine à qui on disait: “Aimez-vous!”. Mais évidemment, ça ne marche pas comme ça! On avait l’obligation de travailler ensemble, de jouer à bien s’entendre… ça ne correspond pas à mon caractère ! Le Conservatoire doit pouvoir être une magnifique école pour certains, mais moi je ne m’y suis jamais sentie à ma place… En fait, comme je m’échappais souvent sur des tournages, j’ai tendance à oublier que je suis passée par cette école. Mes seuls bons souvenirs sont les cours de Catherine Hiegel, j’adorais la franchise de son discours.