Et si l’on cessait un instant de regarder Walt DISNEY comme une icône figée, un nom gravé au fronton des studios, pour s’aventurer dans les zones plus troubles de son imaginaire ? « Walt, la folie Disney », présenté au Théâtre du Lucernaire, relève ce pari audacieux : raconter non pas une biographie linéaire, mais le combat intérieur d’un homme prêt à tout pour donner ses lettres de noblesse à l’animation.
Un bureau pour champ de bataille
Seul sur scène, Walt est enfermé dans son bureau, orné d’un élégant « W » qui trône comme une signature autant qu’un fardeau.
Ce bureau est le cœur battant du spectacle : lieu de travail, de tension, de fantasmes et de souvenirs. Sans jamais en sortir, le personnage y convoque ses équipes, ses personnages, ses peurs ; dans un ballet mental où la réalité se fissure peu à peu.
La scène du casting de la voix de Blanche-Neige, illustre parfaitement ce moment où l’intuition artistique frôle l’obsession. Chaque détail compte, chaque voix doit incarner l’idéal rêvé.
Walt contre Roy : le rêve face au réel
Le spectacle met en lumière un affrontement fondamental : celui de Walt le rêveur, passionné, habité par une foi presque mystique en son œuvre, face à Roy, le frère financier, terrien, rationnel, gardien des chiffres et des limites
Walt veut faire de l’animation l’œuvre de sa vie, quitte à y laisser sa santé, sa famille, et une part de lui-même. Roy, lui, tente d’éviter la chute.
Les ombres du passé et la musique des émotions
La mise en scène de Victoire BERGER-PERRIN joue habilement avec les ombres : théâtre d’ombres, projections, surgissements visuels ; pour donner corps aux cauchemars de Walt, notamment le traumatisme d’un père autoritaire et violent, qui hante silencieusement le récit.
L’accompagnement musical de Éric CAPONE, d’une grande finesse, soutient cette traversée intérieure avec délicatesse, amplifiant les émotions sans jamais les surligner. Il enveloppe le spectacle d’une mélancolie douce, presque nostalgique, qui dialogue avec notre propre mémoire de spectateur, comme un écho aux compositions de l’œuvre originale par Franck CHURCHILL.
Clément VIEU, habité jusqu’à la déraison
Clément VIEU livre une performance remarquable. Tour à tour autoritaire, fébrile, joueur, terrifié ou émerveillé, il incarne un Walt multiple, jamais caricatural.
Son jeu précis, physique, profondément incarné, donne chair à cette folie créatrice qui fascine autant qu’elle inquiète. On assiste moins à une démonstration qu’à une mise à nu.
Une légende qui nous regarde encore
« Walt, la folie Disney » ne cherche pas à juger, mais à comprendre. En sortant, une envie s’impose presque naturellement : revoir Blanche-Neige, avec un regard neuf, conscient du prix humain et artistique de ce miracle animé. Le spectacle modifie durablement notre perception de ce « classique », en révélant l’homme derrière le mythe.
Intelligent, sensible et profondément humain, « Walt, la folie Disney » est une plongée passionnante dans les coulisses de la création.
Ne manquez pas ce seul-en-scène au Théâtre du Lucernaire et laissez-vous emporter par la folie douce d’un génie qui a changé notre imaginaire collectif.



