Dans ce texte troublant, Marguerite Duras s’inspire d’un fait divers et explore les motivations d’une meurtrière. Les faits sont avérés et les aveux prononcés, Pierre et Claire Lannes, les deux protagonistes, consentent à se livrer. La criminelle ne saurait expliquer son geste, l’interrogateur “cherche pour elle”, l’accompagnant dans la recherche de ce qu’elle ignore d’elle-même. Dans un implacable face à face, sorte de huis clos hors du temps et des logiques de l’enquête judiciaire, Marguerite Duras met en lumière les silences de Claire Lannes, et nous plonge dans l’abîme de notre matière humaine. Au contact direct des spectateurs, dans un espace clos qui évoque à la fois le parloir d’une prison, l’enceinte d’un tribunal, la cave du crime, l’hôpital psychiatrique, les acteurs profèrent les mots comme autant de coups de marteau à équarrir les bûches. Nul pathos, nulle flagornerie du jeu, nul effet de manche, mais simplement la force des mots et leur implacable déterminisme.