À l’Artistic Théâtre, Anne-Marie LAZARINI et Michel OUIMET mettent en voix et en lumière l’histoire poignante de Charlotte Salomon, jeune artiste fauchée par la barbarie nazie. Une lecture-spectacle d’une grande justesse, entre émotion, proximité et recueillement.
Une rencontre, une obsession, une œuvre
Il arrive qu’un destin oublié vienne bouleverser un écrivain. C’est ce qui est arrivé à David FOENKINOS, lorsqu’il découvre l’œuvre de Charlotte Salomon, jeune peintre allemande morte à Auschwitz en 1943, à seulement 26 ans.
Subjugué par la puissance de son geste artistique, il mène l’enquête, visite les lieux de sa vie, lit ses lettres, ses confidences. De cette quête naît un roman, « Charlotte », publié en 2014, dans une langue épurée, faite de vers libres, où chaque phrase porte le poids du silence et de l’admiration.
À partir de ce texte, Anne-Marie LAZARINI propose une forme rare et intime : une lecture-spectacle à deux voix, sobre, habitée, bouleversante.
Charlotte Salomon : une vie entre création et tragédie
Née en 1917 dans une famille juive berlinoise, Charlotte Salomon grandit dans une société qui se fracture sous la montée du nazisme. Très tôt, la tragédie s’invite dans sa vie : suicides familiaux, exclusions, exils.
Peintre de talent, elle fuit l’Allemagne pour se réfugier dans le Sud de la France, à Villefranche-sur-Mer. Là, dans l’isolement et l’urgence, elle entame une œuvre colossale et inédite : « Vie ? ou Théâtre ? », un récit en images, textes et musiques, rassemblant plus de 1 300 gouaches autobiographiques.
Une œuvre d’une force lumineuse, composée avec seulement trois couleurs : rouge vermillon, jaune moyen, bleu outremer ; et qui devient un cri de vie face à la mort annoncée.
Mémoire, art, transmission : les thèmes d’un hommage vibrant
« Charlotte » n’est pas seulement le récit d’une vie brisée par la barbarie. C’est aussi un questionnement sur la place de l’art dans la survie, sur la création comme ultime acte de résistance.
FOENKINOS, dans son roman, se met en scène comme narrateur hanté par cette figure. La pièce en conserve l’élan : elle devient le lieu d’une double quête, celle d’une artiste confrontée à l’Histoire et celle d’un auteur fasciné par cette vie tragique et lumineuse.
« Anne-Marie Lazarini façonne une représentation où s’entrelacent la vie et l’art, au fil d’une quête touchante emplie d’images, musiques et poésies. » — LA TERRASSE
Deux voix, une écoute : une scénographie au service de l’essentiel
Sur la scène de l’Artistic Théâtre, le public prend place tout près des comédiens. Une trentaine de spectateurs installés à même la scène, dans une disposition presque rituelle.
À jardin, quelques livres de FOENKINOS, au centre des reproductions d’œuvres de Charlotte Salomon, et sur les tables des bougies, comme autant de veilleuses pour la mémoire.
Dans cette proximité volontaire, Michel OUIMET incarne l’auteur-enquêteur, dans une diction précise, délicate.
Anne-Marie LAZARINI sobre et émue, intervient par bribes, relançant le récit, accompagnant le fil narratif. Ensemble, ils tissent une parole partagée, sans pathos, toute en retenue.
Pas d’artifice, pas de projections. Le théâtre devient ici un lieu de recueillement et d’écoute.
« Charlotte » est un hommage. Un hommage à une artiste dont l’œuvre, longtemps restée dans l’ombre, nous parvient comme un miracle. Un hommage aussi à la force de l’art, capable de traverser le temps et de résister à l’oubli.
Grâce à la sobriété de sa mise en scène, à la sensibilité des interprètes et à la proximité créée avec le public, cette lecture-spectacle devient plus qu’une adaptation : c'est un acte de transmission, un geste de mémoire, nécessaire et bouleversant.