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Interview de Karin VIARD

Interview

Elle est l’une des coqueluches du cinéma français, mais n’a rien d’une diva. En vingt ans, Karin Viard a su se rendre incontournable sans rien perdre de sa franchise ni de son caractère. Après de longues années loin des planches, elle a retrouvé le goût du théâtre, avec un unique maître-mot : le plaisir.

Vous vous apprêtez à revenir sur scène fin janvier. Ce sera la troisième fois en trois ans, alors que vous avez passé près de quinze ans sans jouer au théâtre…
Oui, parce que chat échaudé craint l’eau froide! Par le passé, j’ai eu des aventures très chouettes au théâtre, mais j’ai aussi vécu des cauchemars. Certains metteurs en scène m’ont dégoûtée du théâtre : leur côté sentencieux, leur narcissisme, leur ego surdéveloppé, tout ça ne me plaisait pas.
En plus, le théâtre est un gros investissement, qui prend énormément de temps. Donc, avant de remonter sur les planches, il fallait que je sois sûre du projet. C’est trop douloureux de se retrouver embarquée dans une aventure où j’ai envie de me casser les deux jambes plutôt que de défendre la pièce sur scène.

C’était à ce point ?
Oui ! Et c’est vraiment terrible !

Vos dernières expériences au théâtre remontent au milieu des années 1990…
La dernière pièce était un texte contemporain mis en scène par Abbès Zahmani à Théâtre ouvert (Inaccessible amour de Paul Emond). Le projet était très beau, mais il s’est avéré que le personnage de la fille n’existait pas vraiment. Je l’avais beaucoup travaillé en répétition, j’avais tenté de construire quelque chose mais cette fille était une sorte de mirage. C’était un peu douloureux de défendre un personnage qui n’a pas de consistance, mais l’aventure théâtrale était belle. C’est avant ça que j’ai vécu des moments très délicats qui m’ont rendue vraiment malheureuse. C’était à un moment où le cinéma me faisait de l’œil alors, naturellement, je me suis éloignée du théâtre.

Même si elles ont été bien remplies, quinze années c’est long…
Oui. Le théâtre me manquait, bien sûr, mais pas au point d’en faire coûte que coûte, quel que soit le projet. Quand j’ai remis le couvert en 2008 avec Martial di Fonzo Bo, c’est parce que j’étais certaine qu’on allait follement s’amuser. Martial est quelqu’un de très désinhibé, qui prend beaucoup de liberté avec le texte. Il est profondément moderne et puis, il est de culture argentine, donc il y a dans son théâtre une forme de démesure et de folie très jouissives. Et puis c’est aussi un comédien…

Quand on connaît un peu son travail de mise en scène, on se dit que le fait qu’il soit comédien est essentiel…
C’est vrai. Il accorde une grande importance à la fabrication, le travail de répétition est très créatif, très libre, très amusant. Je sais qu’on va encore s’amuser incroyablement avec ce nouveau projet (Lucide de Rafael Spregelburd, mis en scène par Martial di Fonzo Bo à partir du 23 janvier 2012 au Théâtre Marigny). Pourtant, aujourd’hui, j’en suis encore à apprendre le texte, et c’est un enfer ! C’est extraordinairement dur à mémoriser ! C’est très baroque, ça lorgne du côté des telenovelas sud-américaines, c’est très rythmé. En même temps, si j’arrive à bien faire les choses, ce sera à la fois une grande blague, assez délirante, et la fin devrait être poignante.

Vous retrouvez aujourd’hui la notion de plaisir du théâtre. Vous y venez pour vous y amuser. Est-ce que ce n’est pas quelque chose que l’on s’autorise grâce à l’expérience ?
Je parlerais plutôt d’inclination naturelle. Il y a des acteurs qui pensent que, pour être valable, un travail doit être un parcours du combattant. Moi, je pense l’inverse. En tout cas, en ce qui me concerne. Je suis très mal à l’aise avec la souffrance, l’autorité, la perversité, ce sont des choses qui me bloquent. Je fonctionne beaucoup mieux dans une forme de décontraction, d’amitié, de bonne entente, d’harmonie. Là, je suis disponible et ouverte, je peux créer, imaginer, proposer des choses. Mais si je sens une animosité, si je dois me méfier de tous les gens qui sont autour de moi, je suis ratatinée, je me ferme. C’est horrible. Il y a des gens qui ont l’impression que si l’on est décontracté, rien ne sera valable. Je n’ai pas de jugement là-dessus, il faut juste savoir ce qui te correspond.

“Je suis très mal à l’aise avec la souffrance et l’autorité,
ce sont des choses qui me bloquent.
Je fonctionne beaucoup mieux dans une forme
de décontraction, d’harmonie
.

Si on remonte loin dans le passé, vous avez grandi à Rouen, qu’est ce qui vous a attirée vers le métier de comédienne ?
Je ne sais pas précisément. Je crois que j’ai toujours voulu être actrice. A onze ans, je voulais déjà faire du théâtre. C’était le théâtre qui m’attirait, pas le cinéma. Mon grand-père, qui était tapissier, avait travaillé pour le Grand Théâtre de Rouen, et les chutes de moquette du Grand Théâtre avaient atterri dans ma chambre d’enfant. C’était une moquette rouge avec des feuilles bordeaux et quand je la regardais, je me disais : “C’est un signe”. Sans rire, dans mon esprit d’enfant, j’étais convaincue que j’allais réussir grâce à cette coïncidence. Cette moquette me confortait dans mon désir de devenir comédienne alors que tout le monde me prenait pour une folle : on ne connaissait personne, on ne savait pas comment accéder à ce monde. Alors je me suis débrouillée toute seule : je suis allée m’inscrire au Conservatoire de la ville, je me suis arrangée pour avoir une dérogation pour passer le concours alors que j’étais trop jeune. J’étais assez volontaire, je crois, pour une jeune ado.

Vous avez passé deux ans au Conservatoire de Rouen avant de tenter l’aventure à Paris…
Evidemment, en débarquant, je suis d’abord allée dans les cours de théâtre les moins chers de Paris. C’était un peu le parcours du combattant. Ensuite, j’ai découvert les cours de Blanche Salant. J’aimais bien parce que ça fonctionnait sur des modules de deux ou trois mois. On pouvait venir s’entraîner. C’était un peu le même principe qu’Andréas Voutsinas : même si tu es déjà professionnelle, tu peux venir faire tes gammes, passer des scènes. Tu reviens aux fondamentaux, tu rencontres des gens. Ses cours étaient inspirés de la méthode américaine mais adaptés à notre façon de faire. Il y avait des exercices de relaxation, par exemple, dont j’ai mis des années à réaliser à quel point c’était important. C’est curieux, il y a plein de petites choses, comme ça, que l’on n’a pas la maturité pour comprendre mais dont on garde une trace et qui s’avèrent très précieuses des années plus tard. Je considère désormais ces exercices de relaxation avec beaucoup de sérieux. Je sais qu’ils feront partie de mes petits rituels de préparation chaque soir dans ma loge au Théâtre Marigny.

 

 

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