Sur scène, deux îlots blancs ornés de mobiliers se distinguent. L’un et l’autre sont attribués aux protagonistes de cette histoire et représentent leurs intérieurs. Rien ne les rattache excepté un discret fil de nylon tendu entre eux. Cette scénographie sobre et symbolique préfigure ce qui se passe sur la scène du Théâtre Antoine. L’histoire de deux individus que tout éloigne mais liés pour toujours.
« Est-ce que l'on peut empêcher le printemps de venir, alors même que l'on couperait toutes les forêts du monde ? » - Louise Michel
Ariane (Isabelle Carré) et Jean (Pierre Deladonchamps) se rencontrent furtivement au détour d’une soirée de théâtre. Cette brève entrevue scellera leur destin. Ils tombent amoureux mais doivent immédiatement se séparer car Jean est appelé au front Prusse lors de la guerre de 1870.
La famine et la misère sévissent alors dans les rues de Paris et la révolte gronde. Le peuple est en colère, il tient le gouvernement de Thiers pour responsable. Leur idylle prend alors un nouveau tour quand l’un et l’autre doivent se positionner face à l’émergence de la Commune.
En l’absence de Jean, Ariane s’est investie de plus en plus dans des activités militantes, elle est devenue une « communarde ». Jean, fait prisonnier de guerre, est rappelé en France pour contrer la révolte. Il est du côté du pouvoir, elle est de celui du peuple.
Leur amour pourra t-il survivre de part et d’autre de la barricade ?
Cette pièce est construite comme l’échange épistolaire entre Ariane et Jean ponctué des quelques entrevues qui marquent leur histoire. A l’aide d’un mécanisme qui actionne un fil tendu entre deux roues semblables à celles d'un vélo, les protagonistes se font parvenir leurs lettres. Si ce dispositif peut sembler très sobre, on est surpris par la théâtralité de cet échange écrit par Laurent Seksik et mis en scène par Geraldine Martineau.
Quelques animations vidéos, telle celle d'un oiseau qui s'envole ou se pose tour à tour, viennent compléter le décor en y ajoutant une touche de poésie supplémentaire.
Le récit nous parvient parfaitement. En effet, les lettres sont une ouverture vers les descriptions et l’approfondissement des ressentis de chaque personnage. Le public profite ainsi de la foule de détails historiques qui se glisse dans le contenu de leurs papiers et découvre cette époque si méconnue qu’on appelle « La commune ».
Malgré leurs différences d'opinion, nos deux amants ne cessent d'être en lien, d'échanger, de tenter de s'expliquer sur qui ils sont et les valeurs qu'ils défendent. Le fil qui les relie, bien que fragile, ne semble pas pouvoir se briser.
Le jeu d’Isabelle Carré et Pierre Deladonchamps, d’une grande finesse, permet de rendre les écrits des lettres « vivants ».
Sous leurs voix nous traversons les époques et découvrons avec plaisir et effroi le Paris de l’année 1870. Une ville alors en proie à une véritable guerre civile où des français tiraient sur d'autres français. Certains s'autorisent à rêver d'un monde meilleur, à tenter de changer la société et le système dans lequel ils vivent qui leur parait injuste. D'autres exécutent les ordres, même si ces derniers sont inhumains et cruels.
Au-delà du récit historique, ce spectacle nous fait éprouver l’Histoire par le biais de l’émotion et nous la rend ainsi plus intime. C’est naturellement que le miroir tendu à notre époque s’impose dans notre esprit.
« Avec une scénographie très réussie, Les amants de la commune est un spectacle magnifique, intense et émouvant qui va plaire aux amoureux de l’histoire et du théâtre. » FOUDART
« La rencontre amoureuse de deux visions opposées de l'histoire dans une pièce à la mise en scène bien sentie et minimaliste. » LE FIGARO