Après avoir conquis les scènes de Londres et New York, la pièce à succès de la pénaliste et dramaturge australo-britannique Suzie MILLER, « Prima Facie » arrive enfin en France, au Théâtre du Petit Montparnasse. Sous la direction magistrale de Géraldine MARTINEAU, la comédienne Élodie NAVARRE interprète brillamment un texte fort sur la notion de consentement.
Plongeant dans les profondeurs d'un retournement de situation qui conduit à s’interroger sur les fondements du système judiciaire dans le traitement des affaires de viol, la pièce ne manquera pas de susciter réflexion et émotion chez un public avide de théâtre engagé.
Quand la défense devient victime, plus dure est la chute
« Prima Facie » narre le parcours de Tessa, une avocate pénaliste hors pair, spécialisée dans la défense d'hommes accusés de viols et d'agressions sexuelles. Malgré ses origines modestes, elle atteint le sommet de sa profession en remportant chaque affaire grâce à sa détermination et à son talent. Mais sa vie bascule lorsqu'elle devient elle-même victime...
Contrainte de naviguer dans un système judiciaire qu'elle croyait connaître, Tessa se retrouve confrontée à des obstacles et des préjugés qui remettent en question sa propre expérience et son combat pour la justice.
Le monologue poignant écrit par Suzie MILLER, remarquablement traduit en français par Dominique HOLLIER et Séverine MAGOIS, et brillamment interprété par Élodie NAVARRE, plonge le spectateur dans une réflexion profonde sur les préjugés, la justice et le courage nécessaire pour défendre la vérité, même lorsque celle-ci vous met en difficulté.
Au cœur des enjeux de consentement et de justice
La pièce « Prima Facie » aborde une palette riche de thèmes sensibles et actuels. Tout d'abord, elle jette une lumière spécifique sur la notion complexe du consentement, soulignant les nuances et les interprétations différentes selon que l'on soit victime ou accusé. Les plaidoiries des avocats, qu'ils représentent la défense ou l'accusation, explorent les subtilités de cette question délicate.
La pièce propose aussi un regard sans concession sur le système judiciaire et la manière dont les victimes d'agressions sexuelles et de viols sont perçues et traitées.
Cette critique sociale, mise en avant par la metteuse en scène Géraldine MARTINEAU, permet une réflexion approfondie sur les fondements mêmes de la justice, souvent façonnés par des normes et les préjugés patriarcaux et misogynes ancrés dans la société.
De la remise en question des stéréotypes sur les victimes à l'exploration des mécanismes de défense utilisés dans les affaires judiciaires, la pièce confronte le spectateur aux enjeux contemporains liés aux violences sexuelles et au fonctionnement de la justice.
Élodie Navarre boulversante dans une interprétation magistrale
Dans « Prima Facie », la performance d'Élodie NAVARRE est une véritable révélation. Avec finesse, nuance et une authenticité, elle donne vie, avec maestria, à un personnage complexe, naviguant entre les différentes facettes et luttes intérieures de Tessa Ensler, guidant le spectateur à travers les méandres de l'âme humaine, avec une grande place accordé aux phénomènes de sidération et de dissociation.
D'abord présentée comme une avocate brillante et triomphante, Élodie NAVARRE dépeint avec brio la transformation de Tessa lorsqu'elle devient victime de viol, brisée par la violence et le système judiciaire. Son jeu subtil et maîtrisé captive le public, capturant chaque émotion et chaque dilemme moral avec une intensité saisissante.
Une scénographie miroitante et une mise en scène brillante
La mise en scène de Géraldine MARTINEAU dans « Prima Facie » est une véritable réussite. Avec ingéniosité, elle utilise le plateau de manière minimaliste, mais percutante, avec pour seuls accessoires une chaise et un immense miroir en fond de scène. Cette simplicité apparente permet de situer habilement les différents lieux de l'action tout en mettant en valeur la performance de la comédienne seule en scène.
La scénographie de Salma BORDES, jouant sur la transparence et l'opacité, contribue à dessiner avec précision et finesse les étapes de découragement et de mélancolie ainsi que du combat intérieur de Tessa.
Le choix d'une boîte noire construite autour du miroir et d'un sol réfléchissant est particulièrement astucieux, proposant un écrin idéal pour explorer les tourments psychologiques du personnage, tout comme la musique selectionnée par Antoine REIBRE, qui permet d'accentuer l'angoisse tout en nous rappelant les bandes sons des série judiciaires américaines.
La mise en scène nous plonge dans un climat à la fois puissant et éprouvant, où le public est voyeur et juré, confronté aux tourments de l'héroïne et aux questions brûlantes soulevées par la pièce.
« Prima Facie » est un miroir troublant de notre société contemporaine, offrant une critique acerbe du système judiciaire et de la morale sociétale en matière de consentement sexuel. À travers une mise en scène magistrale et l'interprétation remarquable d'Élodie NAVARRE, la pièce soulève des questions essentielles et bouleversantes sur le viol et sur la manière dont il est perçu et traité par la justice.
La pièce invite le spectateur à remettre en question les normes et les pratiques qui maintiennent les femmes dans un état de vulnérabilité et de peur, en mettant en lumière les injustices et les préjugés qui persistent dans notre système judiciaire.
Le récit poignant de Tessa Ensler, magnifiquement composé par Suzie MILLER, nous confronte à la réalité brutale de la violence sexuelle et de ses conséquences dévastatrices sur la vie des victimes. « Prima Facie » est une œuvre puissante, bouleversante et nécessaire qui résonne bien au-delà des planches du théâtre, nous exhortant à œuvrer pour un changement profond et durable dans notre société et notre système judiciaire, afin que la voix des victimes soit enfin entendue et respectée.
« Prima Facie » est à voir jusqu’au 6 avril 2024 au Théâtre du Petit Montparnasse - 31, rue de la Gaîté 75014 Paris - Ne tardez pas à réserver vos places ICI ➔
