« Quand les astres s’alignent ! »
Emmanuelle Bougerol est comédienne et était dernièrement à l’affiche du Théâtre La Bruyère dans « Suite française » d’Irène Nemirovsky, ainsi qu’au Théâtre des Béliers Parisiens dans la comédie « Jean-Louis XIV » de Nicolas Lumbreras.
Elle nous raconte ici comment un enchaînement de circonstances improbables l’ont amenée à jouer au Théâtre Tristan Bernard dans la pièce « Les muses orphelines » et à obtenir le Molière de la révélation féminine en 2005 !
« Nous sommes au festival d’Avignon en 2004. Je joue aux côtés de Magaly Godenaire et Stéphanie Colonna et David Macquart dans la pièce « Les muses orphelines » de Michel Marc Bouchard, un auteur québécois absolument extraordinaire.
Photo de scène « Les muses orphelines »
A cette époque nous n’avions que très peu de moyens et c’est dans un endroit aussi atypique que confidentiel que nous jouions l’après-midi : l’Esclave Bar ! C’est un bar discothèque très petit dans lequel, après avoir camouflé la décoration sulfureuse et installé notre décor, nous pouvions asseoir 28 spectateurs.
Sous la direction du metteur en scène Didier Brengarth nous avions répété avant le festival dans un hangar qui nous avait été prêté à Montreuil. Je me souviens que nous avions tracé au sol à la craie les dimensions de la boîte de nuit pour apprivoiser l’espace.
David Macquart qui dirigeait la compagnie était extrêmement débrouillard et trouvait toujours des solutions à notre manque de ressources financières. Nous avions acheté les costumes chez Guerrisold et les éléments de décor, dont un piano qui était l’élément principal, à la Trocante d’Avignon.
Malgré le lieu insolite et le montage de bric et de broc le spectacle connait rapidement un vrai succès, notamment grâce à la beauté du texte de Michel Marc Bouchard, qui avait mobilisé l’équipe et qui bouleverse les spectateurs. Le bouche à oreille nous permet d’être complets tous les soirs.
C’est ainsi que la comédienne Béatrice Agenin a entendu parler du spectacle par son libraire à Avignon, situé rue des Teinturiers. Elle décide de venir nous voir, mais se fait refouler à l’entrée, faute de place ! La personne en charge du contrôle des billets ne savait pas qui elle était.
Par un heureux hasard notre metteur en scène est sorti dans la rue à ce moment-là, a reconnu Béatrice Agenin et l’a rattrapée in extremis afin qu’elle puisse assister à la représentation.
Conquise, Béatrice a parlé de la pièce à l’attaché de presse Vincent Serreau et a insisté pour qu’il vienne nous voir, ce qu’il a fait. Le spectacle est ainsi remonté aux oreilles d’Edy Saiovici, directeur du Théâtre Tristan Bernard et de Béatrice Vignal qui y travaillait déjà aussi.
Nous avons joué 5 mois là-bas en 2005 et obtenu deux nominations aux Molières, Révélation féminine et meilleure compagnie. Ce succès inespéré, né d’un contexte totalement underground hors de tout réseau, a mis du baume au cœur de beaucoup de gens. Et m’a permis de remercier l’Esclave bar aux Molières, ce qui ne lui arrivera très probablement plus jamais !