Avec Elle et Lui, Christophe Duthuron retrouve Isabelle Mergault pour qui il avait déjà mis en scène un spectacle en 2015 au théâtre des Variétés : Ne me regardez pas comme ça. Quatre questions à celui à qui incombe la tâche de donner vie au texte du nouveau spectacle à l'affiche du théâtre des Nouveautés.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de signer la mise en scène d'Elle et Lui ?
Avant même de lire la pièce, j'avais très envie de retrouver Isabelle. Au-delà de son immense talent, son regard sur le monde et sur les gens me ravit ; sa perpétuelle remise en question aussi, qui insuffle au travail une vie et une humilité rares.
Le texte, ensuite, a achevé de me convaincre. Elle a trouvé le chemin pour aborder un thème sensible sans rien juger ni revendiquer. En faisant en sorte que tous les personnages acceptent sans réserve le choix de vie de Jean, elle en a fait un non-sujet, une évidence.
Le monde d'aujourd'hui est encore bien loin de cet état d'esprit et de cette simplicité. Il me paraît oeuvre utile de les montrer, comme le fait la pièce, inéluctables et joyeux.
Vous aviez déjà travaillé sur une pièce d'Isabelle Mergault en 2015 (Ne me regardez pas comme ça). En quoi Elle et Lui est-elle différente ?
Les deux pièces observent un trajet diamétralement opposé. Dans la première, le personnage de Carlotta partait à la recherche de son passé perdu et se découvrait finalement un avenir. Dans Elle et Lui, les personnages sont en quête d'avenir, (dans la mode, la chanson ou...les panneaux de signalisation !), et vont au bout du compte renouer et se réconcilier avec leur passé.
La partition d'Isabelle aussi, s'inverse. Dans la pièce précédente, son personnage venait "réveiller" une star déchue. Cette fois, c'est elle qui est anesthésiée par le quotidien et se fait aiguillonner par le retour de Jean. Mais ce qui me frappe, c'est plutôt ce qui rapproche ces deux textes.
Dans l'un comme dans l'autre, les personnages sont fondamentalement seuls, se réfugient, se renferment dans leurs problématiques, incapables de communiquer. (C'est ce que nous raconte ici la lutte de territoires que se livrent la voiture, la couture et le piano...).
C'est finalement de l'ouverture que viendra la clé. Comme pour nous dire que seul, on ne va pas bien loin. Il n'est de chemin qui vaille qu'avec les autres.
Dans Elle et Lui, il y a un élément de mise en scène particulièrement important : le jeu de Jean/Jeanne. Comment avez-vous travaillé avec Philippe Vieux sur son personnage ?
C'est lui qui a travaillé ! Nous avons vite accordé nos visions de Jeanne. Nous voulions la faire exister à part entière, juste, sensible, qu'on ne voit jamais un "homme déguisé". Mais nous savions aussi qu'il faudrait se prémunir de deux dangers.
D'un côté ne jamais rien céder à la caricature ou à l'outrance... De l'autre, s'assurer que la sincérité n'empêche pas le rire. De fait, la comédie ne vient jamais de ce qu'est Jeanne, mais de la confrontation des personnages les uns avec les autres.
Une fois d'accord sur le fond, c'est Philippe Vieux qui a cherché - et trouvé - le chemin. C'est décidément un acteur prodigieux de la précision et de la générosité. Nous avons vu éclore sa Jeanne, peu à peu, comme une fleur ! Je n'ai eu pour ma part qu'à veiller à ce qu'elle ait assez d'eau et de lumière pour pousser, enlever quelques feuilles par ci par là... bref, je n'en ai été que le jardinier...comblé.
Après Elle et Lui, quels sont vos projets ?
Je m'attelle pour l'instant à des projets de cinéma et à l'écriture de scénarios, comme celui de Belle-Fille, de Méliane Marcagii, qui sortira au cinéma le 20 mai. Mais après une aventure comme celle-là, mon envie immédiate revient au théâtre. J'avoue avoir un peu de mal à "couper le crodon". Il faut dire que j'ai été gâté.
On a parlé d'Isabelle Mergault et de Philippe VIeux, mais je souhaite à tout le monde d'avoir en face de lui l'incroyable puissance de jeu de Laurent Gamelon, l'irrésistible émotion - ou la bouleversante drôlerie - de Jean-Louis Barcelona, l'infinie tendresse et l'exigence rieuse de Rémy Roubakha... C'est ce que le public de la pièce va découvrir et recevoir ce soir pour la première fois. Avouons-le... je l'envie.
La pièce Elle et Lui se joue au théâtre des Nouveautés jusqu'au 24 mai 2020. Propos recueillis par Apolline Locquet.