« Trahisons », la pièce emblématique d’Harold PINTER, est actuellement à l’affiche au Théâtre de l’Œuvre, mise en scène par Tatiana VIALLE. Dans une déconstruction astucieuse, elle dissèque avec subtilité l’infidélité, le mensonge et les failles des relations humaines.
Un récit à rebours, une relation en clair-obscur
L’intrigue suit un jeu temporel audacieux : l’histoire commence deux ans après la séparation des amants, alors qu’Emma, galeriste, annonce à Jerry, agent littéraire et meilleur ami de son mari Robert, qu’elle a fini par avouer leur adultère à celui-ci.
On remonte ensuite progressivement dans le passé, où pendant sept ans, ce triangle amoureux oscille entre passion et dissimulation.
Entre amour, illusion et absence
« Trahisons » explore la frontière ténue entre amitié et amour, entre sincérité et tromperie. PINTER met en lumière la fragilité des relations humaines, où chaque personnage est à la fois victime et bourreau.
Les dialogues laconiques, ponctués de longs silences oppressants, lourd de signification, accentuent la complexité des émotions et invitent le spectateur à déchiffrer l’indicible.
Dans ce ballet des sentiments, les non-dits et la précision du geste prennent une place centrale, renforçant l’ombre planante de la trahison. Ici, elles ne sont pas seulement conjugales, elles sont aussi amicales, intimes.
Tatiana VIALLE met en scène une vision plus tendre de la pièce, où l’amour prévaut sur la vengeance, sublimant ainsi les liens entre ces trois protagonistes.
Une distribution magistrale, portée par Swann Arlaud
Swann ARLAUD illumine la scène par une interprétation d’une justesse remarquable. Son jeu empreint de grâce et de poésie confère à Jerry une profondeur, loin du simple stéréotype de l’amant volage.
Face à lui, Marie KAUFFMANN incarne une Emma énigmatique et réservée.
Marc ARNAUD, en Robert, joue avec finesse sur le fil de la duplicité, naviguant entre blessure et manipulation.
Les interactions entre ces trois comédiens sont empreintes d’une grande précision gestuelle, chaque regard et chaque mouvement traduisant l’invisible.
Une mise en scène sobre et fluide
Le décor, composé de grands panneaux de bois, de projection et de néons, structure l’espace avec une élégance minimaliste.
Chaque scène est baignée dans une lumière changeante, accompagnant la progression inversée de l’intrigue.
Les transitions, d’une grande délicatesse, permettent de naviguer sans rupture entre les différentes époques.
La mise en scène épurée met subtilement en avant la présence fantomatique de chacun des personnages dans les moments où ils sont absents physiquement, rappelant que, dans ce triangle amoureux, ils ne sont jamais seuls à deux.
Avec cette version de « Trahisons », l’une des œuvres majeures d’Harold PINTER, Tatiana VIALLE propose une approche délicatement ciselée à travers une lecture axée sur la douceur plutôt que sur la rancœur, rendant la pièce moins brutale et plus contemplative.
La mise en scène et l’interprétation des comédiens transforment cette histoire de tromperies en une exploration de la complexité des liens qui unissent ces trois êtres, transformant ainsi le récit en une danse mélancolique entre amour, amitié et ... trahison.
Une vision subtile et touchante qui redonne à « Trahisons » une nouvelle dimension.
