24 février 2015. LA BOUSSOLE PLUS QUE LA MONTRE ! Anne-Marie Lazarini met en scène Espèces d’Espaces* de Georges Perec (1936-1982), et invite à réinventer le regard. Pourquoi ce texte de Georges Perec ? Anne-Marie Lazarini : Perec fait partie des auteurs qui depuis longtemps m’accompagnent et que...
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24 février 2015.
LA BOUSSOLE PLUS QUE LA MONTRE !
Anne-Marie Lazarini met en scène Espèces d’Espaces* de Georges Perec (1936-1982), et invite à réinventer le regard.
Pourquoi ce texte de Georges Perec ? Anne-Marie Lazarini : Perec fait partie des auteurs qui depuis longtemps m’accompagnent et que j’aime. Je trouve ce texte formidable, et d’autant plus qu’on ne se pose jamais la question de l’espace, qui est passionnante. Pour ma part, je cours tout le temps et questionne sans cesse le temps ! Comme le dit Perec, les gens ont des montres et très rarement des boussoles ! Ce texte est un classique pour les architectes, et invite vraiment à regarder autrement. En usager de l’espace et observateur méthodique et minutieux, Perec voyage en douze chapitres d’un espace intime et restreint à un espace vaste et lointain, comme une sorte d’emboîtement, de la page blanche format 21 × 29,7 cm à l’univers, en passant par le lit, la chambre, l’appartement, l’immeuble, le quartier, la ville, la campagne… Comment bouge-t-on dans l’espace et comment le regarde-t-on ? A travers ces questions, et bien qu’il ne soit jamais dans l’autobiographie ou l’autofiction, Perec dit beaucoup de choses sur lui, à sa manière, toujours dans le détour, la distance, ce qu’il appelle le pas de côté. « l’autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner », dit-il. J’aime beaucoup son humour et ce regard de biais, à la fois ludique, ironique et mélancolique. Meurtri dans son enfance par la mort de ses parents – son père au front en 1940 et sa mère deux ans plus tard à Auschwitz -, il a toujours été obsédé par le manque, marqué par une sorte de non-identité, et il écrit comme pour retenir quelque chose. « A partir du questionnement de l’écriture, J’ai voulu questionner l’espace du théâtre. » Comment avez-vous aménagé l’espace ? A.-M. L. : A partir du questionnement de l’écriture, J’ai voulu questionner l’espace du théâtre. Le théâtre, la salle et le plateau sont là, légèrement transformés, et sans décor. Le scénographe du théâtre François Cabanat a mis en forme le questionnement de l’espace par un bricolage artisanal, loin de l’idée d’une esthétique de la beauté ou de la sophistication, avec des apparitions, des disparitions, des projections – dont celle du dessin de Saül Sternberg cité dans Espèces d’Espaces comme une des sources de La Vie mode d’emploi, qui laisse voir l’intérieur d’un immeuble. Perec était un oulipien, un bricoleur, un chercheur, un joueur passionné qui a inventé des puzzles et publié des mots croisés. Il écrivait non pas depuis une tour d’ivoire mais en étant ouvert sur le monde et le réel. Tout le passionne. Il se focalise et décrit l’infra-ordinaire, l’insignifiant, l’anodin, l’habituel, l’infime détail, ce qui ne compte pas et qu’on ne voit pas. Une telle écriture et un tel inventaire transforment le regard et l’espace. J’aurais aimé le rencontrer ! Pourquoi trois comédiens pour interpréter le texte ? A.-M. L. : J’ai voulu rassembler le personnage d’une dame âgée, comme l’image de la mère – Andréa Retz-Rouyet -, celui d’un homme, peut-être la voix la plus directe de Perec – Michel Ouimet, qui fut interprète de Ravel -, et celui d’une femme, plus jeune – Stéphanie Lanier. C’est un mélange et un partage. Ce qui me frappe et que je trouve profondément émouvant, c’est que derrière cette écriture, Perec lui-même transparaît. Cette sorte de description minutieuse et remarquablement écrite laisse sourdre l’humain. Propos recueillis par Agnès Santi
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Si vous le montez à nouveau, je viens avec un groupe.
Bien à vous, mes remerciements, Marie Jejcic