ZENITUDE PROFONDE LE MAG vous parle du L.A.D. « 1 Livre. 1 Adaptation. 1 Débat » > « L’Exception »
Un sujet poignant abordé dans le cadre des Rendez-Vous «L.A.D.» (1 Livre, 1 Adaptation, 1 Débat) du Théâtre de la Contrescarpe. ...
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ZENITUDE PROFONDE LE MAG vous parle du L.A.D. « 1 Livre. 1 Adaptation. 1 Débat » > « L’Exception »
Un sujet poignant abordé dans le cadre des Rendez-Vous «L.A.D.» (1 Livre, 1 Adaptation, 1 Débat) du Théâtre de la Contrescarpe.
L’EXCEPTION raconte l’histoire d’une petite fille juive de 8 ans déportée à Auschwitz.
Cette pièce est un hommage à Simone Veil mais aussi une mise en lumière de ce livre de l’écrivain Ruth Klüger qui raconte son histoire.
Parce qu’en effet, Ruth Klüger fut une « EXCEPTION » !
Comment une petite fille de 8 ans a-t-elle pu trouver le courage de résister et de lutter – avec pour toute arme sa force psychique – contre cette machine à broyer mise en place par les nazis ?
Tout comme Simone Veil – qui avait eu la chance de croiser la route de cette femme allemande qui lui aurait dit qu’elle était « vraiment trop belle pour mourir… » , Ruth Klüger fut sauvée par une femme qui détournant l’attention du soldat chargé de la surveillance, lui a permis de « changer de file ».
En effet, Ruth était alors âgée de 12 ans et on ne « gardait » que les jeunes filles de plus de 15 ans, les plus jeunes étant directement dirigées vers les fours crématoires, Une opportunité que Ruth a su saisir en un éclair.
La pièce raconte toute la force de cette petite fille, sa relation ambiguë avec sa mère, une femme relativement toxique en soi mais qui paradoxalement lui donnera la force de continuer à tenir jusqu’au bout.
Une pièce à la fois profondément triste – comme toutes celles qui évoquent la Shoah – et néanmoins extrêmement réconfortante.
Et elle s’en est sortie… chapeau !
Ce sont ces mots qui viennent à l’esprit – en tous cas en ce qui me concerne – en remontant l’escalier du Théâtre de la Contrescarpe après avoir vu cette pièce.
Sandra Duca
C’est un rôle difficile : aucun décor et très peu de déplacements. Tout est donc dans le texte et surtout le jeu d’expressions. Un rôle sur mesure pour cette jeune comédienne qui se plaît à dire qu’elle « a parlé bien avant de marcher… » Et qui à quatre ans, a découvert « la force et la beauté du mouvement » grâce à Geneviève Choukroun, ancienne interprète de la compagnie Carolyn Carlson.
Sandra Duca a commencé sa carrière théâtrale en 2008 après plusieurs années pendant lesquelles elle a pratiqué danse classique, modern jazz, hip hop, danse contemporaine, du chant et même violon.
En ce qui concerne son interprétation – remarquable – dans l’Exception, Sandra n’en est pas à son coup d’essai puisque la pièce a été présentée au Festival d’Avignon Off 2018. Sandra est complètement investie dans ce projet et a déjà joué cette pièce hors théâtre, face à un public de jeunes spectateurs adolescents qui ont adhéré totalement.
Son projet ? Continuer à présenter cette pièce à des jeunes, dans des collèges ou autres lieux culturels pour que l’on sache… Beau projet n’est-ce pas?
Jacky Katu, auteur et metteur en scène de l’EXCEPTION
J’ai eu grand plaisir à m’entretenir avec Jacky Katu et Sandra Duca après la représentation.
Un homme passionné qui, après avoir travaillé pendant 15 ans comme chercheur en anthropologie au CNRS, a décidé – du jour au lendemain – de réaliser son rêve d’enfant : devenir metteur en scène de théâtre et réalisateur de cinéma.
J’avais l’intention, en premier lieu, de ne citer que quelques unes de ses créations théâtrales et cinématographiques mais je me suis vite rendue compte que c’eut été dommage.
Chaque titre de Jacky Katu, est indispensable à la construction de l’édifice qu’est sa création!
Et d’ailleurs chacune des thématiques qu’il choisit d’aborder pourrait être à l’origine d’un article!
Ses sujets de prédilection ? Entre autres, les obsessions humaines, la folie ordinaire, le fait de prendre ses désirs pour des réalités ou de se raconter des histoires sur sa propre vie….
Je me suis souvenue qu’en 2016, j’avais été invitée à la projection de l’un de ses films: DO ME LOVE. Un film que Jacky Katu voulait « … fou, drôle, beau comme un rêve, tourné tout en mouvement, avec une caméra si petite qu’elle pénètre les désirs et les pensées. » Je me souviens qu’il m’avait frappé par son originalité.
Entre 2005 et 2010, associé à la Maison des Métallos, Jacky Katu crée plusieurs pièces :
Secousses internes : un voyage initiatique au pays du désir féminin. Un texte post- déluge. Il se situe dans ce qu’Edward Bond appelle « La société posthume » : un monde désespérément vide de signification où le moi est livré à lui-même et au néant.
Les anormaux : un spectacle sur la théâtralité de l’a-normalité et sur l’a-normalité de la théâtralité. Un espace pour expérimenter nos pulsions, nos désirs et nos folies. Le théâtre comme terrain d’exploration fantasmagorique ou réelle, codée ou virtuelle.
Errances : l’errance à l’image des voyages internes que nous faisons chaque jour, alors que nos corps sont contraints, domestiqués par l’urgence quotidienne et les besoins vitaux, avec le texte de « Howl » de Ginsberg comme fil conducteur et poétique.
Asiles : quelques personnes dites « folles » et « fous », dans le langage de tous les jours, se sont enfermés volontairement dans un asile désaffecté, pour vivre librement et sans entraves leurs folies, leurs névroses et leurs psychoses.
Psychose : 4.48 de Sarah Kane : une œuvre posthume, un sténogramme sur la maladie de la mort. C’est en même temps le récit de l’intérieur d’une dépression que rien, et surtout pas les doses massives de médicaments, ne peut enrayer. On trouve dans 4.48 Psychose l’amour, le désir sexuel, l’angoisse, la souffrance, la torture, psychologique et physique, et la mort bien entendu.
L’amour sera convulsif ou ne sera pas : l’amour avec une chaise ou l’amour du calcul mental, le coup de foudre d’un moniteur de gym qui le chamboule, ou d’une jeune femme pour son plombier. L’amour : une des formes les plus incompréhensibles de la folie humaine. Une sorte remake ubuesque de « Fragments d’un discours amoureux » de Roland Barthes.
Sauve qui peut la vie : raconte sous forme ubuesque la dernière heure des passagers de l’avion du 11 septembre 2001 qui va exploser sur les tours jumelles.
Derrière les barreaux : une pièce avec 18 tableaux sur 6 détenus enfermés dans une prison et qui ont pour seul nom un matricule. Cela commence par une cérémonie de dégradation avec fouille au corps. Puis les tableaux abordent divers thèmes auxquels sont confrontés les détenus tels que l’imitation par les détenus d’un maton tout droit sorti de Full Metal Jacket, la violence, les annonces amoureuses, les pleurs et les joies, les toc et les tics dont ils peuvent souffrir, leur sexualité…
Parallèlement à son activité théâtrale, Jacky Katu réalise aussi des films.
Après un premier moyen métrage Cinq à sec, sélectionné dans de nombreux festivals, il écrit et met en scène son premier long métrage Fais-moi rêver : un road-movie amoureux tragi-comique entre une vendeuse de porno et un voleur de poules.
Il enchaîne sur un documentaire pour l’ouverture de la Maison des Métallos : Fenêtre sur rue : vingt-quatre heures de vie des habitants d’un quartier dans toute sa diversité. Une mosaïque humaine, gaie et colorée, qui révèle une multitude de portraits intimes.Un film comme une tentative, ne pas épuiser les richesses d’un lieu de vie typiquement parisien. Entrevoir sa beauté brute sans trahir son mystère.
Il revient au film de fiction avec ce fameux Do me love, une histoire d’adultère, puis 4.48, inspirée de la vie de Sarah Kane, la dramaturge anglaise, Je joue la comédie et alors, un documentaire sur des comédiens-handicapés mentaux et physiques, avec pour objectif d’apporter un regard inédit sur une troupe de théâtre composée pour moitié de comédiens handicapés mentaux ou physiques.
Folle d’Amour : Histoire d’amour ou relation purement sexuelle ? L’ histoire d’une jeune femme borderline, suicidaire, sadomasochiste ? Une histoire contemporaine, Emma Bovary 2.0.
LE DÉBAT APRÈS LA REPRÉSENTATION :
Après avoir découvert « Refus de témoigner », le livre de Ruth Klüger, et avant de se lancer dans le projet d’adaptation, Jacky Katu et Sandra Duca ont beaucoup échangé avec l’écrivain.
(Ils ne se sont pas encore rencontrés mais ils aimeraient qu’elle puisse voir la pièce un jour)
Ruth Krugler vit aujourd’hui aux Etats Unis. Elle est – clin d’oeil de l’histoire – germaniste.
Professeure d’allemand et écrivain, elle a longtemps refusé de raconter son histoire. Elle envisageait encore moins d’en faire le sujet d’un livre. Elle a donc gardé toute sa vie ses souvenirs, enfouis au plus profond de sa mémoire.
Et puis, un voyage en Europe, un accident où elle manque de perdre la vie …et elle se dit que si elle meurt, personne ne saura. Personne ne saura qu’elle a été cette « exception » parmi tant d’autres petites filles juives exterminées dans les camps.
Et – heureusement pour nous – Ruth décide alors de tout raconter. Et heureusement pour nous Jacky Katu et Sandra Duca ont fait de ce livre un beau projet .
Merci à eux trois de nous rappeler qu’au plus profond de l’horreur, il pouvait y avoir une lueur d’espoir.
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