“Et pendant ce temps Simone Veille - Le nouveau” au Théâtre de la Comédie Bastille est un spectacle qui retrace avec humour et en chansons 60 ans de féminisme, de la lutte pour l’avortement à la procréation médicalement assistée. Nous avons eu le plaisir de rencontrer Trinidad, qui nous parle de la genèse de cette pièce et de la cause des femmes.
Quand et comment vous est venue la vocation pour le métier d’auteur-interprète ?
Le goût de l’écriture m’est venu quand j’étais toute petite. En CE1 mon institutrice nous avait fait lire “Le Petit Prince”. Puis elle nous a donné un cahier vierge en nous proposant d’écrire ce que l’on voulait. Mon cahier a été rempli très vite et je ne me suis plus jamais arrêtée d’écrire.
A 18 ans j’ai accompagné un ami au “Petit Conservatoire de la chanson” de Mireille. Elle m’a repérée et a demandé à m’auditionner. C’est elle qui la première m’a orientée vers le métier de comédienne et j’ai par la suite commencé à écrire et jouer des sketchs.
J’ai écrit un spectacle comique sur les secrets de famille et la transmission familiale intitulé “La conversion de la cigogne”. La pièce “Et pendant ce temps Simone Veille”, qui raconte l’histoire de quatre lignées de femmes en est la suite logique et avec ces deux spectacles l’humour est devenu un moyen d’expression et non plus seulement un but.
Qu’avez-vous souhaité transmettre avec la pièce “Et pendant ce temps Simone Veille ?”
J’ai souhaité transmettre un constat plutôt qu’une revendication. L’idée de la pièce m’est venue à l’occasion de l’affaire Strauss-Kahn. J’ai été particulièrement choquée par toutes les petites phrases que l’on a entendu dans les médias, des réflexions du type "un troussage de femme de chambre". Comment peut-on encore parler comme ça aujourd’hui ?
J’ai alors souhaité transformer ma colère en quelque chose de positif avec ce spectacle qui pose la question suivante : après des siècles de lutte des femmes pour leur émancipation qu’allons nous faire aujourd’hui ? Repartons-nous en arrière ou nous décidons nous enfin à avancer ensemble hommes et femmes ?
Y’a-t-il une histoire qui vous touche particulièrement parmi celles des 4 lignées de femmes que nous suivons dans cette pièce ?
Toutes les histoires me touchent car ce sont celles de femmes que j’ai croisées et que j’ai connues. Dans la lignée de Marcelle, que j'interprète, chaque génération a espoir que sa descendance connaisse un meilleur sort. Marcelle est mariée avec un alcoolique violent qui lui fait un enfant tous les ans. Je suis touchée par cette femme qui sait que pour elle les dés sont jetés et qui l’accepte avec résignation mais qui garde foi en un avenir possible pour sa propre fille qui elle l’espère deviendra institutrice.
Chaque femme présentée sur scène est touchante, même si elles ne sont pas toujours sympathiques. Je voulais montrer que l’on est ce que l’on est en fonction de l'histoire que l’on a reçu de notre lignée et de ce que l’on a choisi de faire de cet héritage.
Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’être féministe en 2018 ?
Suis-je vraiment féministe, je ne sais pas. C’est pour moi un terme qui correspond à une époque. Je me sens aujourd’hui féministe par rapport aux femmes qui sont opprimées dans le monde. Nous qui nous sommes battues, il faut que nous restions la petite bougie qui éclaire le monde afin de donner de l’espoir aux femmes.
Mais ici en France poursuivre le féminisme c’est aussi inclure les hommes. C’est ce que souligne ce spectacle, l’importance d’apprendre à avancer ensemble. Ce n’est pas aux hommes de nous autoriser à être femmes. Nous devons faire notre propre chemin vers notre féminité et ne pas nous mettre dans la peau de la petite fille qui se cherche un père !
Nous sommes en 2018 et je suis toujours sidérée par le déni de la sexualité des adolescents par exemple. Chaque femme doit pouvoir choisir et faire ce qui est le mieux pour elle, au lieu de passer notre vie à vouloir remplir les critères de ce que la société nous renvoie comme étant l’image d’une femme bien comme il faut.
Quels sont les meilleurs souvenirs que vous gardez de l’aventure “Et pendant ce temps Simone Veille ?”
Nous avons énormément de très beaux souvenirs grâce à cette pièce, il y a maintenant six ans que le spectacle tourne !
J’ai tenté en 2006 de voir Simone Veil afin de lui offrir le texte de la chanson qui lui est dédiée dans le spectacle lors d’une rencontre qui avait lieu à la Fnac Saint-Lazare. Malheureusement ses détracteurs étaient si nombreux et virulents qu’elle a dû être évacuée. Finalement elle est venue quelques temps plus tard au Théâtre de dix Heures et elle a pu entendre cette chanson. C’était un moment très émouvant.
Nous avons également fait une soirée spéciale Simone Veil le 26 Novembre 2017, à l’occasion de l’anniversaire de la loi Veil. Nous étions 12 actrices sur scène : Anne Barbier, Agnès Bove, Bénedicte Charton, Fabienne Chaudat, Nelly Holson, Trinidad, Virginie Lemoine (marraine de la soirée), Johanna Dray, Anne Canovas, Sylvie Flepp, Christel Pourchet et Caroline Loeb, et nous nous sommes partagé le rôle de Simone. Nous espérons reconduire ce rendez-vous l’année prochaine !
Enfin, je suis très touchée quand à la sortie du spectacle des hommes me félicitent et me disent avoir reconnu leur mère, leurs tantes ou leurs sœurs dans les personnages qu’ils ont vu. Cette pièce transforme ceux qui la voient et celles qui la jouent également !
Un grand merci à Trinidad qui nous accordé cette interview. “Et pendant ce temps Simone Veille - Le nouveau” se joue jusqu’au 2 septembre 2018 au Théâtre de la Comédie Bastille
J'ai beaucoup ri mais en même temps très émue au moment où passe sur l'écran des images de la grande Madame Simone VEIL, qui a tellement fait pour nous les femmes d'aujourd'hui ainsi qu'aux "343 salopes" qui ont signé le manifeste, rédigé par Madame Simone de Beauvoir. Je lève haut le poing pour le courage de toutes ces supers femmes... SI TRINIDAD lit mon petit commentaire, je suis la grande émotive qui est venue lui demander un petit bisou, le samedi 17/11/2018, après la fin du formidable spectacle. En fait, elle m'a serrée très fort dans ses bras C’ÉTAIT UN MOMENT DE COMPLICITÉ INTENSE QUE J'AI RESSENTI, J’ÉTAIS DANS UNE BULLE, PLUS PERSONNE N'EXISTAIT AUTOUR DE NOUS, JAMAIS JE N'OUBLIERAI CET INSTANT... M E R C I