Paris

Admirateur et fin connaisseur de l’œuvre de Tchekhov (il lui a consacré un essai en 2002 intitulé « Mon Tchekhov »), Peter Stein, l’une des plus illustres figures de la mise en scène européenne, s’attelle à 3 courtes pièces du célèbre écrivain.


Pour l’occasion, il compte célébrer la dimension farcesque des œuvres tout en exaltant la richesse et l’extrême pertinence du réalisme psychologique qu’elles recèlent.


A cet effet, Peter Stein, après « Le Prix Martin » d’Eugène Labiche, « La dernière Bande » de Samuel Beckett et le « Tartuffe » de Molière, a fait de nouveau appel à un monstre sacré de la scène, Jacques Weber.


Le comédien protéiforme campera tour à tour un vieil acteur se réveillant après un temps d’ivresse dans un Théâtre vide, un économe sous la domination tyrannique de sa femme devant se livrer à une conférence et un père désireux de marier sa fille à un prétendant qui ne va générer que de la haine et de l’hystérie.


« Les Méfaits du tabac » et « Une demande en mariage » font sans doute partie des courtes pièces devenues de grands chefs d’œuvres figurant au répertoire des théâtres les plus renommés à travers le monde.


En revanche, beaucoup moins représentée, « Le Chant du Cygne » s’avère une pièce singulière et enchanteresse qui explore entre humour et tragédie la question du gouffre entre l’idéal et la réalité, entre le romantisme et le réel.


Ce qui fait dire à son auteur à son sujet :

« J’ai écrit une pièce en quatre petits quarts. Elle se jouera en 15-20 minutes. Le plus petit drame au monde… en général, c’est beaucoup mieux d’écrire des petites choses que des grandes : peu de prétention et succès assuré. Que demander de plus ? Ce drame, j’ai mis une heure et cinq minutes à l’écrire. »

 

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Durée du spectacle 1h40

Distribution : Jacques WEBERManon COMBESLoïc MOBIHAN

Mise en scène : Peter STEIN

Plan d’accès Théâtre de l'Atelier

Comment se rendre au Théâtre de l'Atelier

  • Anvers, Abbesses, Pigalle
  • 30, 54
  • Square d’Anvers, rue Dancourt

La presse en parle - CRISE DE NERFS - 3 farces d'Anton P. Tchekhov

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Peter Stein : un, deux, trois, Tchekhov !

Le grand metteur en scène Peter Stein retrouve une nouvelle fois le grand acteur Jacques Weber autour de trois petites pièces réunies sous le titre « Crise de nerfs ». Est-ce pour autant un grand spectacle ? Quoi qu’il en soit, s’y révèle une actrice explosive :... Lire plus

Le grand metteur en scène Peter Stein retrouve une nouvelle fois le grand acteur Jacques Weber autour de trois petites pièces réunies sous le titre « Crise de nerfs ». Est-ce pour autant un grand spectacle ? Quoi qu’il en soit, s’y révèle une actrice explosive : Manon Combes.

 

Les petites pièces en un acte de Tchekhov font le bonheur des cours d’art dramatique, mais quand un metteur en scène décide de les monter, c’est par deux et, le plus souvent, trois. Jamais une par une. Sauf rares exceptions, comme la sublime version de Sur la grand-route que mit en scène Klaus Grüber à Berlin à la Schaubühne dirigée alors par Peter Stein (le spectacle est venu en France dans le cadre du Festival d’automne), spectacle qui suscita à Bernard Dort l’un de ses plus beaux textes.

Le plus souvent, ces spectacles ne sont pas l’œuvre de débutants mais de metteurs en scène qui ont une longue carrière derrière eux. Ils s’offrent là un petit plaisir, une petite gâterie, un bonbon tardif. C’est le cas présentement avec Peter Stein qui a monté plusieurs grandes pièces du dramaturge russe, y compris en allant présenter l’une de ses mises en scène berlinoises (La Cerisaie) à Moscou mais, cependant,  ne voulant pas diriger des acteurs russes dans la langue de Tchekhov. Il s’en explique dans Mon Tchekhov (Actes Sud-Papiers, collection Apprendre) où sa connivence durable avec Tchekhov se fonde sur un miracle : le fait, selon Peter Stein, que Tchekhov « a pu regarder la Russie avec les yeux d’un Occidental », en portant « un regard critique sur la Russie, mais non pas dans la perspective de Dostoïevski ».

Voilà que je me mets à ressembler au personnage de l’une de ces petites pièces, Les Méfaits du tabac, où l’unique personnage est censé, à la demande de sa femme (que l’on devine d’un caractère affirmé), faire devant nous une conférence sur la nocivité du tabac (bien qu’il soit fumeur), mais ne cesse de parler d’autres choses. Voilà que j’ai déjà engrangé un gros feuillet (mille six cent soixante-six signes exactement) et je n’ai toujours pas entamé ma critique de Crise de nerfs, un spectacle de Stein réunissant trois peties pièces de Tchekhov, Le Chant du cygne, Les Méfaits du tabac et Une demande en mariage avec comme fil conducteur – et vendeur – le « grand acteur » Jacques Weber présent dans les trois pièces.

Ce n’est pas la première fois que Stein et Weber travaillent ensemble. Tout avait commencé par un Labiche en 2013 à l’Odéon quand cet établissement était dirigé par le regretté Luc Bondy. D’autres aventures avaient suivi, jusqu’à une sorte d’apothéose que fut, il y a quatre ans, La Dernière Bande de Beckett (lire ici). Weber était méconnaissable jusque dans son jeu. Diabolique directeur d’acteurs, Peter Stein avait su le pousser dans des contrées où il n’était jamais allé. Allait-il doubler la mise avec les trois petites pièces de Tchekhov ? On se posait la question en entrant au Théâtre de l’Atelier.

Peter Stein a habilement composé son spectacle en passant d’une pièce à deux personnages, le second étant très secondaire (Le Chant du cygne), à un monologue (Les Méfaits du tabac) et, enfin, à une pièce à trois personnages réunissant le père, sa fille et son prétendant (Une demande en mariage). Un efficace 2/1/3 qui traduit également les degrés de puissance de chaque partie. La dernière étant de loin la plus enjouée et révélant une actrice, Manon Combes, que l’on a vue jouer ici et là mais sans atteindre la force dévastatrice que Peter Stein fait émerger en elle.. A ses côtés, Loïc Mobihan dans un jeu plus torsadé, comme le veut le personnage, n’est pas mal non plus.

Saluons le travail phénoménal de la perruquière, Cécile Kretschmar. Dans les articles, on oublie souvent le personnel autre que celui des comédiens. On ne parle jamais des perruquiers et des perruquières, il faut dire que l’usage des perruques se perd. « Comme tout », aurait dit le personnage omniprésent du vieil acteur histrion d’Un chant du cygne. Un vieil acteur de 68 ans (c’était très vieux au temps de Tchekhov, bien plus que les 71 ans de Weber), qui a joué de grands rôles comme son interprète. Il n’est pas dénué d’autosatisfaction, comme souvent les vieux acteurs. Il s’est endormi sur la scène du théâtre et se trouve enfermé. Un personnage qui annonce le Firs de La Cerisaie et son admirable dernière scène (ne manqueront pas de dire les critiques). Le vieil acteur marmonne, hurle le nom du souffleur qui dort dans le théâtre croyant que personne ne le sait. Les deux portent une perruque. Celle du « grand acteur » fait penser à je ne sais quel personnage du cinéma expressionniste allemand. Le « grand acteur » en porte une autre dans Les Méfaits du tabac mais, cette fois, elle semble inspirée par un Michel Simon entre deux âges, avant qu’il ne nous habitue à sa large tronche inoubliable. Dans Une demande en mariage, Weber n’a plus de perruque mais il a revêtu une tenue vaguement militaire russe comme aimait à en porter Staline à en juger par certaines photos. C’est la seule pièce où il s’absente de scène. La seule des trois pièces où, grâce à une direction d’acteurs exquise et des acteurs au petit poil, « on ne s’ennuie pas une seconde », comme disent les critiques.

Avant d’aller au théâtre, je me suis assis dans un square, et pour me mettre dans l’ambiance, j’ai lu Tchekhov, un homme et son œuvre de Korneï Tchoukovski, un livre qui vient de paraître chez Interférences. Ce n’est pas une biographie, ce n’est pas un essai comme le fort recommandable  Regardez la neige qui tombe de Roger Grenier (Folio, Gallimard), c’est la promenade tendrement amoureuse d’un homme bienveillant qui a lu Tchekhov toute sa vie, a vieilli avec lui, Korneï Tchoukovski. Un délice où l’érudition s’efface et laisse la caresse de l’approche. Il faut lire ses pages sur ce qu’il appelle « l’extrémisme de la vérité » chez Tchekhov, ou bien comment l’auteur nous entraîne pour partager avec lui la sympathie d’un personnage, sa bonté finale.

Bon, j’ai dépassé les trois feuillets et je n’ai toujours pas commencé ma critique. Tiens, je pourrais commencer ainsi : un, deux trois, Tchekhov ! Pas mal, non ? « Mouais » lascif alentour. Mais si, comme les enfants disent : Un, deux, trois, Soleil ! Tu ne comprendras donc jamais rien à mes jeux de mots. « Il est... » Oui, je sais, il est tard. Laisse-moi finir mon papier, je n’ai pas encore dit où cela se passait.

Jean-Pierre Thibaudat

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Crise de Nerfs d’Anton Tchekhov, mise en scène de Peter Stein

Peter Stein met en scène Jacques Weber, Manon Combes et Loïc Mobihan dans trois pièces en un acte d’Anton Tchekhov. De la noirceur du tragique aux exubérances de la farce : une peinture extrêmement touchante des tréfonds de l’humain. L’art auquel il travaille... Lire plus

Peter Stein met en scène Jacques Weber, Manon Combes et Loïc Mobihan dans trois pièces en un acte d’Anton Tchekhov. De la noirceur du tragique aux exubérances de la farce : une peinture extrêmement touchante des tréfonds de l’humain.

L’art auquel il travaille s’inscrit dans une vision artisanale et traditionnelle du théâtre. Peter Stein le dit sans détour. Et sans s’excuser de concevoir, minutieusement et opiniâtrement, des spectacles qui placent en leur centre la relation complexe, mystérieuse, reliant textes et interprètes. Les créations qu’il présente depuis une dizaine d’années en France ne font aucune concession aux diktats contemporains de l’image, de l’ironie ou de la dissonance. D’aucuns pourraient d’ailleurs penser que le metteur en scène allemand, à 82 ans, ne serait plus le grand artiste qu’il fut par le passé. Il n’en est rien. Car derrière des propositions d’apparences consensuelles, se dessine la radicalité d’un esprit envisageant œuvres et personnages à travers une rare profondeur. En cette rentrée, Peter Stein délaisse une nouvelle fois la grandiloquence scénographique pour laisser s’imposer toute la puissance d’un théâtre d’acteurs. A partir de trois pièces en un acte d’Anton Tchekhov, il crée Crise de Nerfs au Théâtre de L’Atelier, spectacle pour lequel il retrouve son complice, Jacques Weber, accompagné de Manon Combes et Loïc Mobihan.

Toute la puissance d’un théâtre d’acteurs

Les trois volets de cette représentation nous font voyager parmi les paysages contrastés de la condition humaine. Âpreté et beauté tragique de la vieillesse dans Le Chant du Cygne. Ridicule et désarroi humoristiques d’une vie soumise aux malheurs du quotidien dans Les Méfaits du tabac. Petitesse et hargne burlesques des jeux sociaux dans Une demande en mariage. On passe de la noirceur la plus sensible, la plus poignante, au rire le plus décomplexé. Un rire qui déploie tous les éclats de la théâtralité sans jamais s’adonner aux facilités du cabotinage. Comme c’était le cas dans Le Tartuffe en 2018 et dans La Dernière Bande en 2016 (spectacles mis en scène par Peter Stein), Jacques Weber ici impressionne. Son jeu atteint une forme libre d’ampleur, de virtuosité. A ses côtés, Manon Combes et Loïc Mobihan font, eux aussi, plus que convaincre. Dans le sillage de leur aîné, les deux jeunes comédiens ne s’économisent pas. Ils célèbrent l’art de l’acteur en donnant vie et relief aux élans intimes qui dirigent les bouillonnements contradictoires de leurs personnages.

Manuel Piolat Soleymat

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Entretien avec Peter Stein

« Je suis très fier et très ému qu’un artiste de son envergure me fasse ainsi confiance, de spectacle en spectacle, pour l’accompagner dans son chemin d’acteur. C’est un grand cadeau qu’il me fait. »

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