L’Opéra de quat’sous mis en scène par Robert Wilson et interprété par le Berliner Ensembler a été joué en 2009 puis 2010 au Théâtre de la Ville. Ce fut un véritable choc théâtral où d’emblée on était impressionné par la couleur « berlinoise » de ce cabaret grinçant peuplé de personnages grimés à outrance à la façon de la peinture expressionniste allemande. Et pourtant, s’y dessinait aussi très clairement la « patte » de Bob Wilson, dans cette science de l’épure et des lumières dont il est un maître absolu. Un décor géométrique abstrait, des jeux de néons et un majestueux rideau rouge abolissent les frontières. Le plateau devient alors une véritable œuvre d’art d’une « inquiétante étrangeté ».
Chant, lumières, musique (assurée par une dizaine de musiciens dans la fosse) et sons divers (formidable travail sur les bruitages) dialoguent avec une véritable grâce et une incroyable limpidité dramatique. Un mélange onirique de cinéma muet, d’art expressionniste, de cirque, de music-hall et une musique où se côtoient jazz, chanson et opéra. L’ouvrage s’apparente à une satire de la bourgeoisie corrompue. Si elle trouve sa source originelle dans l’Angleterre victorienne, Bob Wilson transcende l’enjeu social par une peinture machiavélique et haute en couleurs. Le « Théâtre de la vie » est finalement le plus fort, semble-t-il nous dire. Un opéra diablement théâtral.