Scène I – IPHICRATE, ARLEQUIN « Tu me traitais comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste parce que tu étais le plus fort. Eh bien ! Tu vas trouver ici plus fort que toi ; on va te faire esclave à ton tour; (…) Tout irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi. »
L’intrigue prend place au XVIII siècle. Suite au naufrage de leur navire, le seigneur Iphicrate et son valet Arlequin, Euphrosine et sa suivante Cléanthis, se retrouvent échoués sur une île, connue sous le nom de « L’île des esclaves ». Ici, les lois inversent les rôles. Les maîtres deviennent esclaves et vice-versa.
Le système politique bien particulier présenté dans « L’ile des esclaves » a pour ambition d’engager les individus à se questionner sur leurs actes et la vanité de leurs comportements.
Guidés par Trivelin, un ancien esclave habillé en philosophe moderne qui organise l’application des lois de l’île, les quatre personnages se retrouvent confrontés à leur propre caricature. Ce miroir de leurs vices les révèlera à eux même pour finalement les transformer.
« L’île des esclaves » de Marivaux, est une comédie résolument moderne par ce qu’elle propose dans le renversement des valeurs à son époque. L’auteur souligne le danger d’un pouvoir qui donne la toute-puissance à un individu, quel qu’il soit.
Une mise en scène au service du texte
Ce petit chef d’œuvre, rarement monté au théâtre, est particulièrement sublimé par la mise en scène incisive de Didier Long qui fait la part belle à l’écriture.
Le décor est sobre et élégant. L’île est représentée comme un espace vide, étrange, sans temporalité avec des parois faites de branches cuivrées.
Finalement, ce qui est au centre du plateau, ce sont les mots. En effet, le metteur en scène plonge dans la chaire du texte et le cisèle, pour en relever les enjeux et révéler au public toute la finesse de l’écriture de Marivaux.
« L’efficace mise en scène de Didier Long ne détourne pas le spectateur de la mécanique implacable du texte ; elle est toute à la merci de la vis comica naturelle de l’auteur. Un petit Marivaux pour bien commencer la saison théâtrale ne saurait se refuser. Du champagne dans une flûte de cristal » - Le Figaro
Des acteurs virtuoses, tantôt clownesques ou tragiques
Les acteurs, virtuoses dans cette maîtrise parfaite du langage, trouvent une ampleur de jeu jouissive pour le public. Tantôt clownesques ou tragiques, ils s’emparent brillamment de cette intrigue du XVIIIème pour peindre avec vérité des travers humains universels et intemporels.
C’est aussi ce qui fait le caractère particulièrement comique de la pièce. Ce qu’on voit et qui nous fait rire, c’est la mesquinerie humaine qui prend plaisir à gouverner. La petite tyrannie des puissants, la jouissance de la vengeance et finalement, l’émergence de la culpabilité, le repentir sincère et vrai.
« Avec l’Île des esclaves, Marivaux propose un voyage dans une contrée imaginaire où les rôles sont inversés. Une œuvre qui annonce le bouillonnant XVIIIe siècle. » - l’Humanité
Dans un écrin, Didier Long nous fait parfaitement entendre ce texte d’un humour corrosif qui dépeint adroitement les vices humains.
Enfin, ce qu’il nous montre c’est avant tout l’entreprise philosophique de Marivaux. Celle qui tend un miroir aux puissants et les force à y contempler leur propre violence.
Une pièce à ne pas manquer pour bien commencer la rentrée !
Distribution : Hervé BRIAUX, Chloé LAMBERT, Julie MARBOEUF, Pierre-Olivier MORNAS, Frédéric ROSE
Mise en scène : Didier LONG