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[INTERVIEW] Le Théâtre de la Reine Blanche : quand la Science et le Théâtre se rencontrent

Spectacle Interview

Aujourd’hui nous donnons la parole à Elisabeth Bouchaud, directrice depuis 2015 du Théâtre de la Reine Blanche à Paris et de Avignon-Reine Blanche depuis 2019. Elle nous a fait le plaisir de répondre à nos questions et nous parle avec passion de la spécificité de son théâtre.

D’où vient le nom « De la Reine Blanche » ?

Quand j’ai repris le bail du théâtre, ce dernier s’appelait déjà comme cela car les anciens propriétaires habitaient rue de la Reine Blanche dans le 13ème arrondissement de Paris. Et je l’ai gardé, j’ai trouvé ça très poétique : pour moi cela faisait référence à Blanche de Castille, à Lewis Caroll, …

 

Elisabeth Bouchaud

 

« Les Scènes Blanches » : théâtres, école, production

Très vite on a eu l’idée de décliner le nom : Les scènes blanches, qui regroupent mes théâtres, la structure de production et enfin l’école.

 

Cette dernière s’appelle, La salle blanche, une école de formation de l’acteur, que l’on envisage avec Xavier Gallais et Florient Azoulay, comme un laboratoire où l’on fabrique des dispositifs innovants. Un endroit où l’on forme les jeunes par la recherche, c’est-à-dire, pas une école "classique" où ils répètent des scènes et des poèmes, mais avec une pédagogie construite autour d’un projet, d’un thème, …  

 

Les élèves de La salle Blanche écrivent leur propre pièce et apprennent à l’interpréter, grâce aux cours d’interprétation de Xavier Gallais, bien sûr, mais aussi aux cours de danse de Fabio Dolce, ou de masque d’Andreas Simma.

 

 

Pour la dramaturgie, ils sont encadrés par Florient Azoulay, mais bénéficient aussi des interventions de Wilfried Bosch-Alfonsi (Docteur en études théâtrales, enseignant Paris 8 et traducteur), ou de Philippe Brunet (helléniste, metteur en scène et professeur de grec ancien), par exemple.

 

Ils participent à des ateliers d’écriture avec l’autrice Cécile Ladjali, mais assistent aussi à des conférences délivrées par des intervenants scientifiques comme Sébastien Balibar, Daniel Suchet ou Jacques Treiner...

 

Cela demande une véritable démarche de chercheur, puisqu’il faut réfléchir à une dramaturgie originale, pour aborder le thème imposé en en faisant une vraie œuvre théâtrale.

 


➔ Découvrir l'école de théâtre La Salle Blanche


  

Quel est le projet artistique du Théâtre de la Reine Blanche ?

La Reine Blanche c'est une scène des Arts & des Sciences. Pour moi la culture ne s’arrête pas au seuil des sciences, elle les englobe. Le théâtre est bien sûr central mais on y parle de beaucoup de choses reliées aux sciences humaines et aux sciences dites « dures ».

Cela se traduit par des pièces de théâtre qui vont à la fois parler d’histoire des sciences comme « Le paradoxe des jumeaux », que j’ai coécrite avec Jean-Louis Bauer, sur la vie de Marie Curie. Mais également avec « Majorana 370 » qui parle d’un physicien absolument génial, qui vivait à Rome dans les années 20 et qui a disparu en 1938 : cette œuvre nous permet de nous interroger sur le thème de la disparition volontaire, comme celle de Rimbaud.

 

Il y a aussi eu la magnifique pièce de Marco Paolini « Galilée, le Mécano », du théâtre-récit, où un contemporain lambda nous parle de Galilée. C’est anachronique, savoureux, bourré d’humour et en plus on apprend beaucoup. On découvre notamment les relations entre la science et l’église. 

 

L’idée c’est que le spectacle vivant, quel qu’il soit, est capable de prendre le discours scientifique et de le transformer finalement en émotions que l’on peut transmettre au public, dans des formes artistiques hybrides et novatrices, très différentes de ce qu’on a l’habitude de voir. Et pour moi c’est très important.

 

On ne va pas transformer le public en scientifiques mais on va livrer un « morceau » de culture scientifique, en donnant une idée de qui en sont les acteurs, les tenants et les aboutissants. 

 

Enfin nous avons mis en place toute une série de conférences théâtralisées, que l’on a appelé « Des savants sur les planches » dont le but est de faire parler un scientifique de ses recherches. Notre travail consiste à mettre en résonance son discours avec une performance artistique : danse, vidéo, musique live, théâtre, lecture, poésie, … Et les spectateurs plébiscitent ces évènements en étant au rendez-vous !

 

Cette saison 2024/2025, le Théâtre de la Reine Blanche propose les soirées BINÔME, où le.la chercheur.euse devient l’objet d’étude d’un.e auteur.rice de théâtre qui écrit une pièce librement inspirée de leur rencontre. 

 

 


➔ Découvrir les soirées BINÔME au Théâtre de la Reine Blanche


 

Qui sont vos publics ?

C’est déjà notre 5ème saison et le public commence à nous suivre, à nous faire confiance (9ème saison en 2024/2025). Notre public est composé en grande partie de spectateurs fidèle issu de notre quartier, mais également des personnes intéressées par la science qui viennent de toute la région parisienne.

 

Grâce à notre petite salle Marie Curie, nous accueillons beaucoup de jeunes compagnies, et nous avons constaté que c’était une bonne façon de faire venir un public jeune, qui se reconnaît dans ces propositions artistiques. L’important c’est  ensuite de fidéliser ce public et de faire en sorte qu’il vienne voir nos autres spectacles.

 

 

A l’ouverture, nous avons proposé un cycle de cinéma italien « Cinéma et Pastasciutta » et notre stratégie s’est révélée gagnante puisque le gens du quartier sont venus par le biais du cinéma. Ils ont ensuite découvert notre programmation théâtrale et petit à petit nous les avons aussi vus aux « Savants sur les planches ». Nous avons une véritable volonté de croiser les publics et nos actions culturelles sont tournées dans ce sens.

 

De plus, notre particularité est d’être le seul théâtre de France qui articule son offre autour du scientifique, et nous accueillons beaucoup de scolaires : lycée, fac, grandes écoles .. c’est une ouverture extraordinaire sur un nouveau public !

 

Enfin, nous mettons en place des partenariats avec les Arts et Métiers, la Cité des Sciences et de l’Industrie, le CEA (Commissariat de l’Energie Atomique), la Société Française de Physique, la Fondation Blaise Pascal, … c’est certes anecdotique mais cela nous ouvre également à un autre public et on est toujours heureux de faire ces échanges de visibilité.

 

En quoi donner le goût des matières scientifiques aux filles pourra selon vous mener à une société plus égalitaire ?

C'est un axe très important pour nous et nous sommes très attentifs dans nos choix, en faisant venir des femmes scientifiques. Ainsi, les « Savants sur les planches » ont ouvert avec Valérie Ciarletti, ingénieure qui participe à l’élaboration de missions sur Mars. Passionnant !

 

Le but est de montrer que les femmes sont de grandes scientifiques et de les mettre en valeur, car si elles existent dans la science, on ne leur donne pourtant pas assez la parole.

 

Il y a des barrages qui sont souvent mentaux. Et c'est auto-entretenu, ce qui est dramatique. La science est très masculine, on sait tout de suite en tante que femme que l'on va avoir des difficultés, qu’on ne sera pas comme tout le monde.

 

Une m’a souvent frappée : toutes les femmes qui sont arrivées à un niveau incroyable dans leur discipline ont le syndrome de l’imposteur, même celles qui ont eu des responsabilités extraordinaires. En règle générale les femmes ont l’impression de ne pas être à leur place. 

 

En 2024, la série théâtrale « Flammes de science » a mis à l'honneur les femmes scientifiques, longtemps invisibilisées,même si elles avaient fait des découvertes majeures qui ont parfois changé la face du monde, en racontant leurs histoires : Lise Meitner et la fission nucléaire, Jocelyn Bell et la découverte des pulsars ou encore Rosalind Franklin et la structure en double hélice de l'ADN.

Exil intérieur avec Elisabeth Bouchaud

  

➔ Découvrir toute la programmation du moment au Théâtre de la Reine Blanche


 

 

Archive de l'intervieuw réalisée durant la saison 2019/2020  : 


 

La saison actuelle était sur le thème de la résistance, pouvez-vous nous en dire plus ?

 

En effet nous avons eu beaucoup de pièces sur ce thème.

 

Pour commencer, « L’entrée en résistance », une forme hybride de spectacle vivant, qui mêlait sur scène le comédien Jean-Pierre Bodin, la violoniste Alexandrine Brisson et Christophe Dejours, psychiatre et spécialiste de la souffrance au travail. Le spectacle permettait d’aborder des formes de résistances au harcèlement, dont certains pouvaient être victimes dans le monde du travail.

 

Par la suite, dans une autre œuvre, la résistance était abordée sous l’axe de la guerre : « Le courage de ma mère », l’histoire d’une femme juive qui échappe miraculeusement à la déportation. Ce spectacle aborde des thèmes très importants, notamment le nazisme, que nous retrouvons dans « Majorana 370 » et « Berlin 33 ».

 

Et enfin la résistance grâce à la science avec « Galilée, le mécano », qui abordait la résistance à l’obscurantisme.

 

Comment vivez-vous le confinement ?

 

Je ne sais pas ce que je vais construire de cette période. J’aime sortir de chez moi, comme tout le monde.

 

Le 16 mars quand on a fermé le théâtre, avec l’équipe, nous avions les larmes aux yeux. Nous sommes très soudés, on s'envoie des mails, on fait vivre les réseaux sociaux ; on propose des captations de spectacles à un autre public.

 

Sur le plan personnel j’essaye de relativiser. J’habite à Paris, j’essaye de penser à des situations plus catastrophiques, comme pendant la déportation. Je pense qu’on n’a pas trop le droit de se plaindre. Je suis également très inquiète à propos de ma mère, très âgée dans un EPHAD, c’est une situation très angoissante.

 

Etant donné que j’ai très rarement du temps pour moi, là je prends le temps de lire, d’écrire, de regarder des films, des captations pour rattraper la frustration que j’ai de ne pas avoir le temps d’aller et de faire tout ce dont j'ai envie en temps normal.

 

Et enfin, réfléchir à l’après, à la saison prochaine, ce qui implique de faire les contrats, de les envoyer, de discuter des futures productions. Si tout s’arrange, nous serons au Festival d’Avignon - nous faisons en, tout cas comme si cela aura lieu - alors on prépare les dossiers de presse, la communication...

 

« Il y a beaucoup de choses à mettre en place et on pense à la suite avec optimisme. »

 

 


Un grand merci à Elisabeth Bouchaud, directrice du Théâtre de la Reine Blanche, qui nous accordé cette interview. 

 

Élisabeth Bouchaud est autrice de théâtre, comédienne et physicienne. Diplômée de l’École Centrale de Paris et docteure en physique, passionnée de théâtre, elle obtient en 1989 un Premier Prix d’art dramatique au Conservatoire de Bourg-la-Reine/Sceaux.

 

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Anonyme
MarieThé
Bravo pour votre ténacité et votre confiance dans l’avenir. Vivement que les théâtres rouvrent! Vous nous manquez tellement !!

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