Majorana 370
L’énigmatique disparition, en mars 1938, du physicien italien de génie Ettore Majorana, a suscité bien des questionnements, d’autant plus que plusieurs articles spécialisés paraissent encore, chaque jour, sur les « quasi-particules » qui portent son nom, et qui pourraient avoir une importance dans la conception des ordinateurs quantiques.
La pièce retrace le parcours de ce personnage insaisissable, et tente d’éclairer les raisons de sa fuite. Sa destinée fait écho à celle de deux femmes du vingt-et-unième siècle, dont l’une prendra le vol MH370 de la Malaysian Airlines qui a lui aussi disparu.
Distribution : Manon CLAVEL, Marie-Christine LETORT, Benjamin GUILLET, Anthony MOUDIR, JEAN-BAPTISTE LE VAILLANT, MEGANE FERRAT, Alexandre MANBON, Simon REMBADO
Mise en scène : Xavier GALLAIS
Plan d’accès Théâtre de La Reine Blanche
Comment se rendre au Théâtre de La Reine Blanche
- La Chapelle (ligne 2), Marx Dormoy (ligne 12)
- Gare du Nord (B)
- 35, 65, 302, 350
- N°10041 39 bd de la Chapelle, N°18040 29 bd de la Chapelle, N°18110 53 rue du Département, N°100034 68 rue Louis Blanc
Qu’il est riche ce texte, écrit à quatre mains par Elisabeth Bouchaud et Florient Azoulay.... qui nous fait voyager des années 30 à nos jours, de l’Italie de Mussolini à l’Allemagne nazie, d’une salle blanche à une autre, des physiciens italiens du début du XXème siècle aux physiciens français du XXIème siècle, de Paris à Kuala Lumpur, d’une disparition mystérieuse à une autre : la disparition d’Ettore Majorana, en 1938, génie italien de la mécanique quantique et celle, presque un siècle plus tard, dans le fameux avion de la Malaysian Airlines, d’une femme dont la compagne poursuit justement les recherches de Majorana…
Et pour servir ce texte extrêmement dense, dans lequel j’ai trouvé des dimensions à la fois poétiques, scientifiques, historiques, philosophiques et intimes, la mise en scène d’une grande intelligence de Xavier Gallais, qui nous rend la pièce accessible, sans jamais simplifier le propos !
Tout commence un an après la disparition toujours inexpliquée de cet avion : parmi les passagers, la compagne de Cléia, physicienne. Elle est dans sa salle blanche … et semble happée par ses souvenirs et sa voix intérieure…
Les personnages apparaissent petit à petit ; les événements, les dialogues s’enchaînent : ici, là-bas ; maintenant, hier ; les thèmes, les époques, les lieux, les langues se répondent...dans un grand tout qui n’est pas linéaire ! Le décor (magnifique !) se déconstruit et se reconstruit...
Nous ne savons pas forcément où nous allons, mais nous nous frayons notre propre chemin... parmi toutes les pistes suggérées.
Un ami physicien me dit souvent que le temps n’est qu’illusion ... c’est un peu ce que nous expérimentons avec cette pièce... C’est parfois vertigineux. Sommes-nous dans le souvenir ? dans l’imaginaire ? dans la vie ? après la vie ? Peu importe, en fait ! Il suffit de se laisser porter.... et de laisser la rationalité au vestiaire...
Certains « tableaux » sont visuellement très beaux.
Les acteurs jouent tous une partition très précise : nous sommes entraînés dans l’univers de personnalités singulières et particulièrement bien incarnées ; tous les comédiens occupent l’espace avec beaucoup de fluidité, et passent avec aisance et une grande sensibilité de scènes de groupe à des échanges plus intimes, et pour certains, à des moments où l’isolement et la solitude prennent le dessus.
Certaines scènes sont d’une grande intensité émotionnelle.
Des passages plus légers aussi, et d’autres encore qui nous projettent dans des heures sombres de notre histoire…
Et me voilà, durant deux heures, immergée dans ces univers, touchée, passionnée !
Et quand la lumière se rallume, je suis un peu « groggy » au fond de mon fauteuil, envahie d’une émotion qui est montée en puissance très progressivement. Mais l’expérience va continuer à cheminer, bien après la fin du spectacle.
Deux histoires jouées en parallèle dont l'on apprécie les liens et les similitudes. Tout d'abord, la mise en scène d'un couple de femmes, dont la disparition tragique de l'une, inspirée de faits réels, hante la deuxième. La scène démarre et se déroule 1 an après le crash de l'avion de la Malaysia Airlines (MH370) ; c'est un jeu délicieusement ponctué de flash backs qui nous fait vivre et comprendre la relation de ses deux femmes. On ressent toute la détresse de cette scientifique en plein deuil.
Ensuite, la pièce est morcelée par l'histoire d'Ettore Majorana, génie italien des années 20-30. Il a rejoint un groupe de jeunes physiciens, auquel on s'attache facilement, et que l'on affectionne à travers leurs péripéties. Chacun de leurs rôles est très bien interpreté et le mystérieux Majorana est extrêmement touchant. Un véritable voyage dans le passé dans lequel on se laisse volontiers porter, à travers plusieurs pays et cultures.
La pièce constituée de ces différentes scènes jonglant d'une histoire à l'autre nous tient en haleine. Il faut accepter la confusion du début car les éléments prennent de plus en plus de sens au fur et à mesure de la pièce et on savoure avec engouement la fusion finale des 2 histoires.
Un grand bravo à ses jeunes comédiens talentueux et prometteurs. Je reviendrai avant la fin de ce spectacle avec grand plaisir !