Deux formes font irruption dans la pénombre de la salle intimiste du Théâtre du Funambule Montmartre. Un homme, une femme, deux présences qui se retrouvent dans un espace qui pourrait s’apparenter à un garage, un entrepôt, un lieu transitoire dépositaire de leurs velléités le temps d’une heure.
Dans la pièce de Laure Loaëc, il est en effet question de velléités, de postures face à une crise sans précédent. Celle d’un « déluge » métaphorique et pourtant familier.
Ce déluge, c’est celui d’une civilisation qui chute et que nous observons s’effondrer. C’est le constat de nos impuissances ou de notre volonté d’agir quand l’espoir d’avoir un quelconque impact semble inexistant et vain.
Sur le plateau, Amandine Pudlo et Julien Héteau se renvoient la réplique avec intensité.
Deux postures faces à la catastrophe
Ce couple ne parvient plus à se parler. Chacun est campé dans sa propre manière de gérer la catastrophe. Ils ne s’entendent plus. Chacun soliloque dans son impossibilité à faire face à la situation.
Elle veut s’engager, agir quoi qu’il en coûte et même si tout semble perdu d’avance. Il accepte l’absurdité de leur condition. Il se réjouit déjà d’être là, d’être en vie. Autant de postures qui sont les nôtres face au drame de la catastrophe écologique.
« L’écriture de cette pièce est partie d’une réflexion qui m’habite depuis quelques années : comment agir face à l’ampleur de la crise écologique ? Comment les injonctions de « faire quelque chose et vite » vont-elles nous traverser et nous transformer en tant qu’individus ? » Laure Loaëc
Une métaphore qui nous concerne
Les acteurs font d’abord irruption dans le public, comme pour nous signifier que le drame qui va se jouer est un drame qui nous concerne. Ils ne sont pas nommés, ils sont des figures symboliques universelles.
Rien ne nous permet d’identifier clairement leur situation, leur passé, ni leur intimité. Ils n’existent que par leurs discours et leur façon de se positionner face à la catastrophe.
C’est aussi le récit d’un couple qui se délite face à l’impossibilité de s’aligner dans un contexte de crise.
« Les tensions qui s'expriment au fil d'échanges dépourvus de linéarité dramaturgique comme de dénouement tangible laisse une belle marge de manœuvre en termes d'interprétation. Et, à ce titre, Amandine Pudlo et Julien Héteau dispensent une remarquable et émérite prestation. » FROGGY'S DELIGHT
Une mise en scène délicate et puissante
Dans une mise en scène délicate, sans artifices, les acteurs nous impressionnent par la force de leur incarnation. Chaque geste fait événement. La scène où les deux personnages avalent côte à côte leur boite de conserve est particulièrement marquante car elle contient déjà toute la situation qui va se jouer. Elle est dans une lutte pour déglutir, lui déguste tranquillement et résigné.
La scénographie conçue par Sarah Bazzenerye est également métaphorique. Elle représente un lieu non identifiable qui pourrait aussi bien appartenir à notre époque qu’à un monde post-apocalyptique. A cour, un escalier coupé ne mène nulle part : symbole de l’impossibilité à agir.
Comme le texte, la scène nous met face à l’inéluctabilité d’une situation, l’espace nous parle et nous questionne. Comment réagir dans le monde qui est le nôtre ? Nous sommes tous, l’un ou l’autre de ces personnages. Ils nous renvoient à nos propres postures face à l’urgence climatique.
Cette pièce est le miroir de nos contradictions, volontés et échecs dans une situation que nous ne maîtrisons pas. Elle ouvre un pan de réflexion philosophique, loin de tout diktat idéologique et offre le témoignage singulier d'une génération.
« Peut-être que finalement, il s’agit surtout de nous mettre en mouvement, chacun à notre façon, avec ce que nous sommes. Et de construire joyeusement ensemble la suite de l’histoire. » Laure Loaëc
« Les performances des comédiens, la mise en scène sobre et épurée, ainsi que la réflexion profonde sur l'espoir, font de cette pièce assez universelle, un moment à ne pas manquer ! » FOU D'ART
Infos et réservations
A voir jusqu’au 2 avril au théâtre du Funambule
Guichet : 53, rue des Saules, 75018 Paris - Tél. location : 01 42 23 88 83
